Poème '17 – En tous lieux je te suis' de Maurice SCÈVE dans 'Délie (en vieux français, découpé par emblème de neuf dizains)'

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17 – En tous lieux je te suis

Maurice SCÈVE
Recueil : "Délie (en vieux français, découpé par emblème de neuf dizains)"

CL [=CXLI] .

Comme des raiz du Soleil gracieux
Se paissent fleurs durant la Primevere,
Je me recrée aux rayons de ses yeulx,
Et loing, & près autour d’eulx persevere.
Si que le Coeur, qui en moy la revere,
La me fait veoir en celle mesme essence,
Que feroit l’Oeil par sa belle presence,
Que tant je honnore, & que tant je poursuys:
Parquoy de rien ne me nuyt son absence,
Veu qu’en tous lieux, maulgré moy, je la suys.

CLI [=CXLII] .

Celle pour qui je metz sens, & estude
A bien servir, m’à dit en ceste sorte:
Tu voys asses, que la grand servitude,
Ou lon me tient, me rend en ce poinct morte.
Je pense donc, puis qu’elle tient si forte
La peine, qu’à le sien corps seulement,
Qu’elle croira, que mon entendement,
Qui pour elle à coeur, & corps asservy,
Me fera dire estre serf doublement,
Et qu’en servant j’ay amour deservy.

CLII [=CXLIII] .

Le souvenir, ame de ma pensée,
Me ravit tant en son illusif songe,
Que, n’en estant la memoyre offensée,
Je me nourris de si doulce mensonge.
Or quand l’ardeur, qui pour elle me ronge,
Contre l’esprit sommeillant se hazarde,
Soubdainement qu’il s’en peult donner garde,
Ou qu’il se sent de ses flammes grevé,
En mon penser soubdain il te regarde,
Comme au desert son Serpent eslevé.

CLIII [=CXLIIII] .

En toy je vis, ou que tu sois absente:
En moy je meurs, ou que soye present.
Tant loing sois tu, tousjours tu es presente:
Pour pres que soye, encores suis je absent.
Et si nature oultragée se sent
De me veoir vivre en toy trop plus, qu’en moy:
Le hault povoir, qui ouvrant sans esmoy,
Infuse l’ame en ce mien corps passible,
La prevoyant sans son essence en soy,
En toy l’estend, comme en son plus possible.

CLIIII [=CXLV] .

Amour si fort son arc roide enfonsa
Pour esprouver dessus moy sa puissance,
Que quand le traict delasché s’absconsa
Au fondz du coeur d’entiere congnoissance.
Sa poincte entra au dur de resistance:
Et là tremblant, si grand coup à donné,
Qu’en s’arrestant le creux à resonné
De ma pensée alors de cures vuyde.
Dont mon esprit de ce trouble estonné,
Comme insensé, a toute heure oultrecuyde.

CLV [=] .

Donc admirant le grave de l’honneur,
Qui en l’ouvert de ton front seigneurie,
Je priveray mon sort de ce bon heur,
Que je me fains en ma joye perie?
Ny pour espoir de mieulx, qui me supplie,
Si hault poursuyvre en son cours cessera?
Jamais tel loz son plus ne laissera,
Pour s’amoindrir a aultres biens frivoles:
Et pour soulas a son travail sera
L’Ambre souef de ses haultes parolles.

CLVI [=CXLVII] .

Le doulx sommeil de ses tacites eaux
D’oblivion m’arousa tellement,
Que de la mere, & du filz les flambeaux
Je me sentois estainctz totallement,
Ou le croyois: & specialement,
Que la nuict est a repos inclinée.
Mais le jour vint, & l’heure destinée,
Ou, revirant, mille foys je mouruz,
Lors que vertu en son zele obstinée
Perdit au Monde Angleterre, & Morus.

CLVII [=CXLVIII] .

Voy que l’Hyver tremblant en son sejour,
Aux champs tous nudz sont leurs arbres failliz.
Puis le Printemps ramenant le beau jour,
Leur sont bourgeons, fueilles, fleurs, fruictz sailliz:
Arbres, buissons, & hayes, & tailliz
Se crespent lors en leur gaye verdure.
Tant que sur moy le tien ingrat froit dure,
Mon espoir est denué de son herbe:
Puis retournant le doulx Ver sans froidure.
Mon An se frise en son Avril superbe.

CLVIII [=CXLIX] .

Et Helicon, ensemble & Parnasus,
Hault Paradis des poetiques Muses,
Se demettront en ce bas Caucasus:
Ou de Venus les troys fainctes Meduses
Par le naif de tes graces infuses
Confesseront (toutesfoys sans contraincte)
La Deité en ton esprit empraincte
Thresor des Cieulx, qui s’en sont devestuz
Pour illustrer Nature a vice astraincte,
Ore embellie en tes rares vertus.

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