Poème '04 – Pour te adorer je vis' de Maurice SCÈVE dans 'Délie (en vieux français, découpé par emblème de neuf dizains)'

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04 – Pour te adorer je vis

Maurice SCÈVE
Recueil : "Délie (en vieux français, découpé par emblème de neuf dizains)"

XXIIII.

Quand l’oeil aux champs est d’esclairs esblouy,
Luy semble nuict quelque part, qu’il regarde:
Puis peu a peu de clarté resjouy,
Des soubdains feuz du Ciel se contregarde.
Mais moy conduict dessoubs la sauvegarde
De ceste tienne, & unique lumiere,
Qui m’offusca ma lyesse premiere
Par tes doulx rayz aiguement suyviz,
Ne me pers plus en veue coustumiere.
Car seulement pour t’adorer je vis.

XXV.

Tu fais, cruel, ses pensées meurdrieres
Du bien, donc suis, long temps à, poursuyvant,
Tu la rendz sourde a mes chastes prieres,
Tant que mon mal est a moy survivant.
Tu fais soubdain, & deffais, moy vivant,
Ce, que le temps a grand peine extermine.
Fais donc, Amour, que peu d’heure termine.
Si long languir par revoluz momentz:
Ou je diray, que ton arc examine
Neronnerie en mes si griefz tourmentz.

XXVI.

Je voy en moy estre ce Mont Forviere
En mainte part pincé de mes pinceaulx.
A son pied court l’une & l’aultre Riviere,
Et jusqu’aux miens descendent deux ruisseaulx.
Il est semé de marbre a maintz monceaulx,
Moy de glaçons: luy aupres du Soleil
Ce rend plus froid, & moy près de ton oeil
Je me congele: ou loing d’ardeur je fume.
Seule une nuict fut son feu nompareil:
Las tousjours j’ars, & point ne me consume.

XXVII.

Voyant soubdain rougir la blanche neige
Au rencontrer chose, qui luy meult honte,
Vaine raison mes sens troublez surmonte,
Et jà la fin de mes desirs me pleige.
En cest espoir, tresmal asseuré pleige,
Je croy pitie soubz honteuse doulceur.
Parquoy en moy, comme de mon bien seur,
Je fais pleuvoir joyes a si grand somme,
Qu’en fin me tire au fons de sa grosseur
Un doulx obly de moy, qui me consomme.

XXVIII.

Ay je peu veoir le vermeil de la honte
Ardoir la face a son honnesteté?
Et croire encor, que la pitié luy monte
Sur le plus cher de sa grand’ chasteté?
Meilleur, ô Coeur, m’est d’avoir chaste esté
En si pudique, & hault contentement:
Et abhorrir pour vil contemnement
Le bien, qu’Amour (Amour lassif) conseille.
Car je jouys du sainct advenement
De ce grand Pape abouchant a Marseille.

XXIX.

Dessus le Coeur vouloit seul maistriser
L’aveugle Archier, qui des dieux est le maistre:
La Parque aussi le veult seigneuriser,
Qui des humains se dit seule dame estre.
Mais sur ce poinct, qu’on le met en sequestre,
Ma Dame acoup s’en saisit par cautelle.
Tu ne deçoys, dit il, ces deux cy, Belle,
Mais moy: car mort m’eust faict paix recevoir,
Amour victoire: & soubz ta main cruelle
Ne puys mercy, tant soit petite, avoir.

XXX.

Des yeulx, ausquelz s’enniche le Soleil,
Quand sus le soir du jour il se depart,
Delasché fut le doulx traict nompareil
Me penetrant jusques en celle part,
Ou l’Ame attaincte or’ a deux il mespart,
Laissant le coeur le moins interessé,
Et toutesfois tellement oppressé,
Que du remede il ne s’ose enquerir.
Car, se sentant quasi Serpent blessé,
Rien ne le peult, non Dorion, guerir.

XXXI.

Les tristes Soeurs plaingnoient l’antique offense,
Quand au plus doulx serain de nostre vie
Desdaing s’esmeut pour honneste deffence
Contre l’ardeur de nostre chaste envie:
Et l’esperance en long temps poursuyvie
Ne nous peut lors, tant soit peu, alleger.
O vaine foy, ô croire trop leger,
Qui vous reçoit se fait son mortel hoste:
Pour non povoir ce malheur abreger,
Qui le doulx bien de liberté nous oste.

XXXII.

Soit que l’erreur me rende autant suspect,
Que le peché de soy me justifie,
Ne debvois tu au Temps avoir respect,
Qui tousjours vit, & qui tout verifie?
Mais l’imposture, ou ton croire se fie,
A faict l’offence, & toy, & moy irrite.
Parquoy, ainsi qu’a chascun son merite
Requiert esgal, & semblable guerdon,
Meritera mon leger demerite
D’estre puny d’un plus leger pardon.

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