Poème 'Anna' de Théodore de BANVILLE dans 'Dans la fournaise'

Anna

Théodore de BANVILLE
Recueil : "Dans la fournaise"

A Jacques Madeleine

C’est ainsi que le Temps nous les métamorphose
Et ce tas d’ombre fut une déesse rose;
Dans la sombre améthyste on gravait ses profils,
Et le Désir restait captif dans ses grands cils.
Oui, c’est Anna! Regarde, ô Jacques Madeleine,
Ce monstre grelottant dans son haillon de laine.
Les ennuis éternels grincent, inapaisés,
Sur sa bouche entr’ouverte où nichaient les baisers.
Cette vieille, qui fut jadis pleine de gloire,
Est terne et sans couleur, comme la terre noire;
Ses cheveux sur son front meurtri par le remords
Tombent sinistrement comme des serpents morts;
Vain débris que par jeu la Misère effiloque,
Son corps et ses habits ne sont plus qu’une loque.
Errant comme une chienne au fond de la Cité,
Ce spectre de folie et de lubricité
Tache encor la laideur du sombre paysage.
On devine pourtant sur ce morne visage
Où dorment les vieux lys dans l’ombre ensevelis,
On entrevoit parmi ses rides et ses plis
Comme un vague reflet de la splendeur première
Qui jadis le baignait d’une chère lumière
Du temps que ses yeux bleus réfléchissaient le jour,
Et l’ancien coup de griffe horrible de l’Amour.

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