Poème 'Bambine' de Tristan CORBIERE dans 'Les Amours jaunes'

Bambine

Tristan CORBIERE
Recueil : "Les Amours jaunes"

Tu dors sous les panais, capitaine Bambine
Du remorqueur havrais l’Aimable Proserpine,
Qui, vingt-huit ans, fis voir au Parisien béant,
Pour vingt sous : L’OCÉAN ! L’OCÉAN !! L’OCÉAN !!!

Train de plaisir au large. – On double la jetée –
En rade : y a-z-un peu d’gomme… – Une mer démontée –
Et la cargaison râle : – Ah ! commandant ! assez !
Assez, pour notre argent, de tempête ! cessez ! –

Bambine ne dit mot. Un bon coup de mer passe
Sur les infortunés : – Ah, capitaine ! grâce !…
– C’est bon… si ces messieurs et dam’s ont leur content ?…
C’est pas pour mon plaisir, moi, v’s êtes mon chargement :
Pare à virer… –

Malheur ! le coquin de navire
Donne en grand sur un banc… – Stoppe ! – Fini de rire…
Et talonne à tout rompre, et roule bord sur bord
Balayé par la lame : – À la fin, c’est trop fort !… –

Et la cargaison rend des cris… rend tout ! rend l’âme
Bambine fait les cent pas.
Un ange, une femme
Le prend : – C’est ennuyeux ça, conducteur ! cessez !
Faites-moi mettre à terre, à la fin ! c’est assez ! –

Bambine l’élongeant d’un long regard austère :
– À terre ! q’vous avez dit ?… vous avez dit : à terre…
À terre ! pas dégoûtaî !… Moi-z’aussi, foi d’mat’lot,
J’voudrais ben !… attendu q’si t’-ta-l’heure l’prim’ flot
Ne soulag’ pas la coque : vous et moi, mes princesses
J’bêrons ben, sauf respect, la lavure éd’nos fesses ! –

Il reprit ses cent pas, tout à fait mal bordé :
– À terre !… j’crâis f…tre ben ! Les femm’s !… pas dégoûté !

Hâvre-de-Grâce. La Hêve. – Août.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. I am actually grateful to the owner of this website
    who has shared this wonderful post at at this place.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS