Poème 'El Desdichado' de Gérard de NERVAL dans 'Odelettes'

El Desdichado

Gérard de NERVAL
Recueil : "Odelettes"

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène…

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

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Commentaires

  1. En alignant des mots, mais sans les contrôler,
    Un poète explorait sa mémoire abolie,
    Et bientôt, devant lui, l'écran fut constellé
    De notes de tristesse et de mélancolie.
    *
    Aucun de ses copains n'a pu le consoler
    Dans son petit troquet, avenue d'Italie ;
    Le vide règne dans son esprit désolé
    Où la lourde amnésie au désespoir s'allie.
    *
    Ainsi pendant des nuits, son verbe tourne en rond,
    Qui évoque tantôt Pénélope, la reine
    Abandonnée longtemps, ou la pâle sirène.
    *
    Mais dans guère de temps, ses mots s'endormiront.
    Un soir ils entreront au pays de Morphée
    Où n'ira les reprendre aucun vaillant Orphée.

  2. El Desleñado
    ----------

    Je suis un bûcheron réduit à bricoler
    Le chaume d’Aquitaine et la ronce abolie.
    Ma tronçonneuse est morte, et mes pieds constellés
    Empruntent le sentier de la mélancolie.

    Mon cousin charbonnier voudrait me consoler,
    M’apportant un flacon de son vin d’Italie ;
    Car ce joyeux luron n’est jamais désolé,
    Lui qui l’humour subtil à la sagesse allie.

    En taverne, on est mieux, mais je n’ai pas de ronds ;
    J’ai peut être un crédit là-bas, vers Bourg-la-Reine
    Où j’allais autrefois chez ma sage marraine.

    Or, je pourrais aussi boire avec mon patron,
    Ce sportif amateur aux multiples trophées,
    Ce noble bienfaiteur de mon âme assoiffée.

  3. La tour anéantie
    ---------

    J'ai frappé ton manoir, tu e l'as pas volé,
    Tu avais une tour, et je l'ai démolie :
    Tes soldats n'ont rien fait, ils étaient affolés,
    Les plus vaillants d'entre eux furent pris d'aboulie.

    Mais avale un godet, tu dois te consoler,
    En taverne officie la blonde Coralie ;
    Ton orgueil à ses pieds sera vite immolé,
    Comme il le fut jadis auprès de Nathalie.

    Je vais te dépanner si tu n'as pas de ronds ;
    Je dois pouvoir trouver quelques billets qui traînent,
    De ceux que cette année j'ai reçus pour étrennes.

    Je n'abreuverai point tes ducs, ni tes barons,
    Ni le jeune bouffon, ni le vieux coryphée ;
    La prêtraille non plus, de robes attifée.

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Gérard de NERVAL

Portait de Gérard de NERVAL

Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie, né à Paris le 22 mai 1808 et mort à Paris le 26 janvier 1855, était un poète français. Il passe son enfance dans le Valois, dont les paysages furent source d’inspiration. A Paris, il mène une vie de bohème, fréquente le ‘Cénacle’ de Victor Hugo puis publie une... [Lire la suite]

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