Poème 'J’habite une douleur' de René CHAR dans 'Le poème pulvérisé'

J’habite une douleur

René CHAR
Recueil : "Le poème pulvérisé"

Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes de l’automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie. L’oeil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu rêveras que ta maison n’a plus de vitres. Tu es impatient de t’unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit. D’autres chanteront l’incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier. Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t’identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l’impossible.

Pourtant.

Tu n’as fait qu’augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre d’une entente qui s’affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter. A quand la récolte de l’abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires…

Qu’est-ce qui t’a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?

Il n’y a pas de siège pur.

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Commentaires

  1. Manoir ordinaire
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    Nous sommes six reclus, trois hommes et trois femmes,
    Et jamais nous n’avons abusé des plaisirs ;
    Calmes sont nos propos, faibles sont nos désirs,
    On ne voit en nos coeurs que de modestes flammes.

    Nous sommes paresseux, que nul ne nous en blâme,
    Plusieurs de nos matins se passent à dormir ;
    Parfois même, en plein jour, je le dis sans frémir,
    Nous restons au salon sans en foutre une rame.

    Ensemble du déclin nous prenons le chemin,
    L’âge nous affaiblit, comme tous les humains ;
    Nous ne nous plaignons pas, ça pourrait être pire.

    Nous resterons ainsi, trois femmes et trois hommes,
    Toujours indifférents aux troubles de l’Empire ;
    Et pas trop mécontents d’être ce que nous sommes.

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