Poème 'L’ancêtre' de José-Maria de HEREDIA dans 'Les Trophées'

L’ancêtre

José-Maria de HEREDIA
Recueil : "Les Trophées"

A Claudius Popelin.

La gloire a sillonné de ses illustres rides
Le visage hardi de ce grand Cavalier
Qui porte sur son front que nul n’a fait plier
Le hâle de la guerre et des soleils torrides.

En tous lieux, Côte-Ferme, îles, sierras arides,
Il a planté la croix, et, depuis l’escalier
Des Andes, promené son pennon familier
Jusqu’au golfe orageux qui blanchit les Florides.

Pour ses derniers neveux, Claudius, tes pinceaux,
Sous l’armure de bronze aux splendides rinceaux,
Font revivre l’aïeul fier et mélancolique ;

Et ses yeux assombris semblent chercher encor
Dans le ciel de l’émail ardent et métallique
Les éblouissements de la Castille d’Or.

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Commentaires

  1. Chevalier inexistant
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    Son blason est d'azur à deux vaches placides.
    Il n'exista jamais, ce noble Chevalier,
    Aux lois de l'existence il n'a su se plier,
    Ni aux plages d'ennui, ni aux amours torrides.

    Il ne connut la soif aux campagnes arides,
    Ni les maris jaloux croisés dans l'escalier,
    Ni d'un doux serviteur les propos familiers ;
    L'on ouvre son armure et l'on voit qu'elle est vide.

    Calvino, cependant, à grands coups de pinceau
    Fait vivre devant nous l'étrange jouvenceau ;
    Fable pour notre temps, récit mélancolique.

    Il ne va nulle part, ce redresseur de torts,
    Mais en plus des bovins, son écu métallique
    Arbore, lumineux, deux candélabres d'or.

  2. Ambifucius
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    On ne sait presque rien de ce monstre placide.
    Il n’est pas serviteur, il n’est pas chevalier,
    Aux règles du commerce il ne sait se plier,
    Il vit près de Bordeaux, loin des milieux torrides.

    Il ne laisse jamais son gosier être aride.
    Il a développé l’esprit de l’escalier :
    Maître des lieux communs, des propos familiers,
    Il se bricole une oeuvre avec un peu de vide.

    Car il n’a qu’une plume, il n’a pas de pinceau.
    Quant à ses illusions, elles sont en morceaux,
    Rendant à tout jamais son coeur mélancolique.

    Il n’a pourtant subi aucun genre de tort,
    Puisque sa vie devient quelque peu bucolique
    Et que la fin du jour y déverse son or.

  3. Chevalier démuni
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    Oui, je suis démuni, mais la nature est belle ;
    J’ai pu manger des fruits bien mûrs, le mois dernier,
    Je suis l’ami du lièvre, aussi du sanglier,
    Et j’aime contempler les fraîches damoiselles.

    Et sans cheval, je mène une vie naturelle,
    Je ne me plonge pas dans les travaux guerriers
    Car mon corps ne veut plus se charger du collier
    Offert à tout baron qui en bataille excelle.

    Mon âme sans souci ne craint pas les effets
    De ces temps sans labeur où l’homme rien ne fait,
    Je suis un passant terne, et un modeste sire.

    De cette austérité je m’honore toujours,
    Et je pardonne aux gens tout ce qu’ils vont en dire :
    De rime et de loisir sont mes seules amours.

  4. Magnifique !

  5. Planète Avril
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    Sur la planète Avril sont des humains placides
    Qui rêveraient pourtant d’être des chevaliers
    Pour voir cet univers à leurs lois se plier ;
    Mais ils sont abrutis par leur climat torride.

    Il ne cultivent rien dans leurs steppes arides ;
    Ils n’ont point de pommiers taillés en espalier,
    N’élèvent pas non plus d’animaux familiers,
    Leur vie est sans objet, leur existence est vide.

    Ils maîtrisent pourtant la plume et le pinceau ;
    De musique classique ils jouent quelques morceaux,
    Cependant, tout cela les rend mélancoliques.

    Je ne les juge pas, ni ne leur donne tort,
    Car leurs jours ont aussi des côtés bucoliques,
    Sans beaucoup de travail et sans la soif de l’or.

  6. Inexistant dragon
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    Ce dragon brille par son absence limpide,
    Jamais ne l’occira page ni chevalier ;
    Mais cela n’en fait point un être singulier,
    Plus d’un auteur l’omet, ce qui n’est pas stupide.

    N’étant ni long ni court, ni loyal ni perfide,
    Il n’a ni parenté ni voisins de palier ;
    Je lui trouve pourtant comme un air familier,
    J’ai bien connu des gens dont la nature est vide.

    L’héraldiste quand même a sorti son pinceau ;
    Non pour une oeuvre abstraite en mode Picasso,
    Mais avec réalisme à gratter il s’applique.

    Baptisant l’animal du beau nom de Nestor,
    À sa surface il donne un reflet métallique ;

  7. dragon, suite et fin
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    L'être sans existence a des écailles d'or.

  8. Romance andalouse

    Elle virevoltait dans sa robe gitane
    Aux pourpres falbalas qui volait des lueurs
    De lune au ciel d'Espagne et par mille clameurs
    Flamencas s'enflammait notre nuit sévillane.

    Près de la Tour de l'Or, parmi la gentiane
    Et l'oranger en fleurs, loin des folles chaleurs,
    J'effleurais son visage aux troublantes pâleurs
    Rehaussant d'opalin sa beauté diaphane.

    Et dans ce patio, vert par la feuillaison,
    Sa voix m'ensorcela jusqu'en perdre raison
    Tel un ruisseau d'avril à l'enivrant murmure;

    Rieuse, elle tendit pour enfin m'asservir
    Avec ce lys parant sa sombre chevelure
    Ses lèvres de corail face au Guadalquivir.

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José-Maria de HEREDIA

Portait de José-Maria de HEREDIA

José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]

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