Poème 'La cloche fêlée' de Charles BAUDELAIRE dans 'Les Fleurs du Mal'

La cloche fêlée

Charles BAUDELAIRE
Recueil : "Les Fleurs du Mal"

Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.

Poème préféré des membres

Lelys et ecnaida ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.

Commentaires

  1. Quelques spectres
    -----------------------

    Fantômes parcourant le village en hiver,
    Quelques pieds au-dessus des chaumières qui fument,
    On entend résonner votre rire pervers
    Tel le cri persistant des noirs oiseaux de brume.

    Un carillon pourtant riposte d’un son clair ;
    Du presbytère blanc la fenêtre s’allume,
    Le serviteur de Dieu surveille Lucifer
    Et veille à modérer sa terrible amertume.

    Prêtre, qui peux juger les vivants et les morts,
    La rue te remercie pour ton vaillant effort :
    Il a plus de mérite à la fin de décembre.

    Prêtre, ton insomnie vient-elle de l’ennui ?
    Du désir d’admirer cette faune de nuit ?
    Ou veux-tu simplement trouver ton pot de chambre ?

  2. Piscisromulus et Remuspiscis
    ----------------------------------

    L’eau de cet afffluent est bien froide en hiver,
    Il n’est pas réchauffé par le volcan qui fume ;
    On entend résonner des cris d’oiseaux pervers
    Mais on ne peut les voir, ils volent dans la brume.

    Le dieu des eaux, pourtant, riposte d’un son clair ;
    De ces poissons jumeaux la bonne humeur s’allume.
    Allez chanter plus loin, oiseaux de Lucifer !
    Ce cours d’eau n’aime point votre sombre amertume.

    La rivière, emportant les vivants et les morts,
    Porte tous ces fardeaux sans peine et sans effort,
    Et son flot est plus froid que l’air froid de décembre.

    Pouvez-vous, dieux-poissons, éprouver de l’ennui ?
    Cela se pourrait bien, car longues sont vos nuits,
    Et dans ce vaste flot, vous n’avez pas de chambre.

  3. Dialogue des saisons
    ------------------------------

    L’été s’en alla boire un coup avec l’hiver ;
    Et je les vois tous deux qui dans mon jardin fument.
    Je sais que leurs propos n’auront rien de pervers,
    Ils parleront du vent, de la nuit, de la brume.

    Ainsi, de leurs deux voix, j’écoute le son clair ;
    Car de ces dieux jumeaux la bonne humeur s’allume.
    Ils ont même des mots gentils pour Lucifer,
    Ils ne connaissent point l’ennui, ni l’amertume.

    Leur âme, qui régit les vivants et les morts,
    Accomplit sa mission sans peine et sans effort,
    Et le maître de juin vaut celui de décembre.

    Pouvez-vous, immortels, éprouver de l’ennui ?
    Vous ne voyez passer ni les jours, ni les nuits :
    Vous vivez au grand air, vous n’avez pas de chambre.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS