Poème 'La Sirène' de Louis MÉNARD dans 'Rêveries d’un païen mystique'

La Sirène

Louis MÉNARD
Recueil : "Rêveries d’un païen mystique"

La vie appelle à soi la foule haletante
Des germes animés ; sous le clair firmament
Ils se pressent, et tous boivent avidement
À la coupe magique où le désir fermente.

Ils savent que l’ivresse est courte ; à tout moment
Retentissent des cris d’horreur et d’épouvante,
Mais la molle sirène, à la voix caressante,
Les attire comme un irrésistible aimant.

Puisqu’ils ont soif de vivre, ils ont leur raison d’être :
Qu’ils se baignent, joyeux, dans le rayon vermeil
Que leur dispense à tous l’impartial soleil ;

Mais moi, je ne sais pas pourquoi j’ai voulu naître ;
J’ai mal fait, je me suis trompé, je devrais bien
M’en aller de ce monde où je n’espère rien.

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Commentaires

  1. Sirène hauturière
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    La sirène est rêveuse et n’est pas endormie :
    «Sirène, réponds-nous, que pouvons-nous pour toi ?»
    La belle nous ignore, on n’entend point sa voix,
    Il serait malaisé de s’en faire une amie.

    «Sirène, saurais-tu soigner nos maladies ?»
    De telle créature un silence a son poids,
    Elle veut être seule, et nul ne sait pourquoi ;
    Cette dame, pourtant, n’est pas une étourdie.

    Mais peut-être, elle attend que vienne un fils de roi,
    De ces princes charmants qu’on ne voit qu’une fois,
    De ceux qui ont pour eux la grâce et la puissance.

    Donc, nous repartirons aux liquides chemins,
    Sauf si par aventure et par un coup de chance
    Nous reçoit le triton, notre cousin germain.

  2. Sirène de sinople
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    Sirène du lac, es-tu véritable ?
    Ou te formes-tu des vapeurs du vin ?
    Quand j’étais jeunot, vers moi tu t’en vins,
    Un tel souvenir est inimitable.

    Sur le bord du lac, je m’avance en vain,
    La fin d’un beau songe est inévitable ;
    Tu n’existais pas, c’est indubitable,
    Ou tu disparus par décret divin.

    Ainsi parlait un vieillard dans le vide,
    Ne sachant pas si le temps est perfide ;
    Un peu fatigué, digne cependant.

    Or, ce vieux penseur, n’étant pas prospère,
    Se sent dispensé (du moins, il l’espère)
    Des jeux de hasard où l’on est perdant.

  3. Sirène parolière
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    La sirène a dit des mots véritables;
    Issue de l’Espagne, où sont les bons vins,
    Chanteuse enchantée qui vers nous s’en vint ;
    Or, ce qu’elle écrit, c’est inimitable.

    Sur ces pages-ci, je m’efforce en vain,
    Mon travail n’est pas toujours profitable ;
    Pourtant j’aime ça, c’est indubitable,
    Ainsi l’ont voulu les décrets divins.

    Que m’importe, aussi, j’écris dans le vide,
    Sans rien de sérieux, sans rien de perfide ;
    Des mots appelant, d’autres répondant.

    Ce n’est pas ainsi qu’on devient prospère,
    Mais ça divertit (du moins, je l’espère)
    Mes gentils lecteurs, pas trop regardants.

  4. Sainte Ambisirène
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    La blonde ambisirène, on l’a déclarée sainte
    Et patronne de Brest, par la grâce de Dieu.
    Par tous ceux qui sur elle ont pu poser les yeux
    Fut en mots amoureux sa présence dépeinte;

    Je sais que des marins rêvent de son étreinte,
    Ainsi que les patrons de certains mauvais lieux ;
    Je sais qu’elle l’ignore, et vraiment, c’est tant mieux,
    Sa quotidienne joie n’en sera pas éteinte.

    Quel temple abritera la sainte que voilà ?
    Peut-être seulement la nef de l’Au-delà
    En laquelle parfois les pauvres morts espèrent.

    Si sur elle un démon braque son regard lourd,
    Elle ne peut savoir que c’est signe d’amour,
    Son coeur ne brûle point, sinon pour Dieu le Père.

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Louis MÉNARD

Portait de Louis MÉNARD

Louis-Nicolas Ménard, né à Paris le 19 octobre 1822 et mort à Paris le 9 février 1901, est un écrivain et poète français. Condisciple de Baudelaire au lycée Louis-le-Grand, il entra ensuite à l’École normale. Peu après avoir publié en 1843 un ouvrage intitulé « Prométhée délivré » sous le... [Lire la suite]

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