Poème 'Le Renégat' de Tristan CORBIERE dans 'Les Amours jaunes'

Le Renégat

Tristan CORBIERE
Recueil : "Les Amours jaunes"

Ça c’est un renégat. Contumace partout :
Pour ne rien faire, ça fait tout.
Écumé de partout et d’ailleurs ; crâne et lâche,
Écumeur amphibie, à la course, à la tâche ;
Esclave, flibustier, nègre, blanc, ou soldat,
Bravo : fait tout ce qui concerne tout état ;
Singe, limier de femme… ou même, au besoin, femme ;
Prophète in partibus, à tant par kilo d’âme ;
Pendu, bourreau, poison, flûtiste, médecin,
Eunuque ; ou mendiant, un coutelas en main…

La mort le connaît bien, mais n’en a plus envie…
Recraché par la mort, recraché par la vie,
Ça mange de l’humain, de l’or, de l’excrément,
Du plomb, de l’ambroisie… ou rien – Ce que ça sent. –

– Son nom ? – Il a changé de peau, comme chemise…
Dans toutes langues c’est : Ignace ou Cydalyse,
Todos los santos… Mais il ne porte plus ça ;
Il a bien effacé son T. F. de forçat !…

– Qui l’a poussé… l’amour ? – Il a jeté sa gourme !
Il a tout violé : potence et garde-chiourme.
– La haine ? – Non. – Le vol ? – Il a refusé mieux.
– Coup de barre du vice ? – Il n’est pas vicieux ;
Non… dans le ventre il a de la fille-de-joie,
C’est un tempérament… un artiste de proie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au diable même il n’a pas fait miséricorde.
– Hale encore ! – Il a tout pourri jusqu’à la corde,
Il a tué toute bête, éreinté tous les coups…

Pur, à force d’avoir purgé tous les dégoûts.

Baléares.

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Commentaires

  1. Un long voyage
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    Pégase m'a conduit partout ;
    Du monde j'ai vu presque tout,
    Montagnes à pic ou à vaches,
    Prairie où rôdent les Apaches,
    Plaines couvertes de soldats,
    Seigneurs en milieu de mandat,

    Rêves d'enfant, rêves de femme,
    Divines constructions d'une âme,
    Aussi des terres sans chemin
    Et des moines sans parchemin,
    J'ai vu ce dont j'avais envie
    Et j'ai vu le cours de ma vie.

    Et que m'importe ? Je suis vieux ;
    Nulle ambition dessous les cieux
    Ne vient troubler mes jours paisibles ;
    J'écoute la voix inaudible
    De la maîtresse des ondins,
    Ou d'un oiseau de mon jardin.

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