Poème 'Lettre à Nâzim' de ATOS

Lettre à Nâzim

ATOS

E. le 29 novembre 2013.

Oui, Nâzim, tu as raison, la première liberté que nous ayons, la plus importante, celle qui ouvrira les portes à toutes nos libertés, c’est bien celle que tu chantes: la liberté que nous avons de nous battre.
Alors, battons nous, Nâzim, battons nous jusqu’au bout.
Parce que rien n’est jamais plus puissant que la volonté d’un homme.

Cette force est si grande, Nâzim, qu’elle ne saurait disparaitre même lorsque le corps de celui qui la fait naitre s’en vient reposer dans le soupir du monde.
La liberté de se battre, ne pas admettre, ne pas se soumettre.
La chair est fragile Nâzim, comme les fibres du parchemin. Mais l’esprit soutenu par une âme pure et souveraine est une étoile. Et comme l’étoile, il vit dans le cœur et resplendit toujours dans le souvenir des hommes. Et sa lumière, traversant le parchemin, peut parfois donner, même dans la nuit la plus froide, toute la lecture d’une âme.

L’espace est vaste, Nâzim, nous le savons. Il s’étend au delà de toutes leurs prisons. Nous pouvons crever entre les murs, mais sur nos fronts se compose chaque matin une musique au couleurs de notre nation. Celle des hommes, Nâzim, simplement la nôtre, mon frère. Le seule que nous reconnaissons.

Je lis que tu prend soucis de tous, et particulièrement des plus fragiles d’entre nous.
La poésie , Nâzim, tu portes ta poésie à la bouche des hommes comme tu porterais une outre d’eau fraiche aux lèvres du désert.
Ayons cette force, cette liberté là, combattre et tout d’abord nous même. Notre peur doit nous quitter. Le zénith auquel nous portons notre esprit doit la chasser comme une ombre.
Alors, prenons ton chant, Nâzim. Non pas celui d’une marche dans un fracas de cuivres, mais ton chant, léger et subtil comme celui d’un oiseau, qui passe à travers les grilles, qui va et qui revient au delà des forteresses, et au delà des mers. et qui apporte à celui que nous ne voyons pas, ces quelques notes :« ne crains rien, je suis avec toi».
C’est cela la poésie, Nâzim peut être, uniquement le chant de cet oiseau, qui contient le souffle des hommes porté à d’autres hommes pour qu’ils n’oublient rien.
Un chant comme un regard, comme une écoute, comme une main, comme un parfum qui fait sourire l’homme qu’ils mettent en joue et qui donne déjà à son peuple la force de chanter éternellement son retour.
Oui, Nâzim, nous avons cette liberté, « se battre », une seconde, une heure, dix ans, un siècle, et même durant toute l’éternité d’un homme.
Un chant, comme comme une phrase portée par le vent.
Nul ne sait d’où elle vient, nul ne sait où elle ira, mais tous l’entendent.
Toi, moi, celui ci, et encore cette autre là.
Oui, la poésie n’appartient à personne, Nâzim, elle est comme l’air que l’on respire, comme la vague, comme la rosée, comme l’orage, comme le sable.
Avec nous, en toi, là bas, toi qui derrière ces murs peins, et n’écris pas. Tu sais que les mots te viennent, ils te reviendront. Ils ont suivi tes pas.

Je finis ici mon adresse à tes jours, cher Nâzim, j’attends la lecture de ta prochaine lettre avec impatience. Te lire, me donne une idée de ce qu’il m’est possible de donner à vivre autour de moi et de ce qui doit rester vivant en moi. Je te remercie infiniment, Nâzim, d’avoir pris le temps de nous écrire la douceur que nous apporte toute la force de ton espoir.

Texte paru dans le numéro spécial « HUMANITÉ RÉVEILLE TOI » identité par « les Amis de Thalie », mars 2015, ISSN 1274-3240, EN HOMMAGE ET SOUTIEN À CHARLIE HEBDO.
Bénéfice entièrement reversé à Charlie Hebdo en guise de don pour la survie et la continuité du journal.

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Commentaires

  1. Hommage au poète Nazim Hikmet ?
    Merci Astrid
    pour ce beau texte et cette action de soutien à l'équipe symbole de la liberté d'expression

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