Poème 'Rue Lobineau' de Théodore de BANVILLE dans 'Dans la fournaise'

Rue Lobineau

Théodore de BANVILLE
Recueil : "Dans la fournaise"

Cela se traîne autour du marché Saint-Germain.
Cet être fabuleux qui n’a plus rien d’humain,
Grand corps en deux ployé, tas de choses flétries
Comme les vieilles dans les antiques féeries,
Vêtu de vieux tricots, de haillons, de gilets,
Spectre laissant pourrir sur de vagues mollets
Ces vils jupons mordus par le ruisseau vorace,
Où l’on ne voit plus rien que la boue et la crasse;
Le nez et le menton pointus; la bouche, écrin
Vide; sur le front noir, ces deux mèches de crin;
Ce fouillis de lambeaux affreux, de souquenilles;
Ces pieds entortillés dans de sales guenilles;
Oui, tout cela, — divine Hélène au front d’argent
Que la Lune, ta soeur, admirait en songeant!
Toi dont la jambe nue éblouissait le pâtre,
Diane! toi Laïs! vous Phryné, Cléopâtre!
Ève! toi dont les fleurs géantes et les cieux
Et les fleuves, avec leur chant délicieux,
Et les lions ravis disaient l’épithalame, –
Cela, tout cet amas d’horreurs, c’est une femme?

Mardi, 11 janvier 1887.

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