Poème 'Soirs (II)' de Albert SAMAIN dans 'Au jardin de l'infante'

Soirs (II)

Albert SAMAIN
Recueil : "Au jardin de l'infante"

Le Séraphin des soirs passe le long des fleurs…
La Dame-aux-Songes chante à l’orgue de l’église ;
Et le ciel, où la fin du jour se subtilise,
Prolonge une agonie exquise de couleurs.

Le Séraphin des soirs passe le long des coeurs…
Les vierges au balcon boivent l’amour des brises ;
Et sur les fleurs et sur les vierges indécises
Il neige lentement d’adorables pâleurs.

Toute rose au jardin s’incline, lente et lasse,
Et l’âme de Schumann errante par l’espace
Semble dire une peine impossible à guérir…

Quelque part une enfant très douce doit mourir…
O mon âme, mets un signet au livre d’heures,
L’Ange va recueillir le rêve que tu pleures.

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Commentaires

  1. Harpe murmurante
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    Cent millions de bourdons sur les trèfles en fleur ;
    C'est ta chanson du jour, pays couvert d'églises,
    Une langue ignorée, des mots qu'on subtilise,
    Un ciel dont mon regard reflète la pâleur.

    Tel celui du bourdon, le murmure du coeur
    Se fait à peine entendre au sein des froides brises ;
    Harpe sonnant au loin pour une âme indécise,
    Au temps où le visage a perdu ses couleurs.

    Et moi, j'aime le son de la harpe un peu lasse,
    J'aime aussi la façon dont il emplit l'espace,
    Pour soulager le mal impossible à guérir.

    N'ayez point de souci pour la harpe qui pleure,
    C'est ce bel instrument qui rira, tout à l'heure,
    Et puis, la poésie ne peut jamais mourir.

  2. Sagesse aux belles griffes
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    Le chat dans le jardin ne cueille aucune fleur ;
    Et jamais, le dimanche, il n’entre dans l’église.
    On peut lui pardonner le peu qu’il subtilise,
    Il ne s’attaque point aux objets de valeur.

    Lui caressant le flanc, j’entends battre son coeur ;
    Tous les deux, nous aimons la fraîcheur de la brise,
    Car elle est bienveillante à notre âme indécise.
    De l’estival jardin, tendre sont les couleurs,

    On y voit voleter l’abeille, jamais lasse,
    Et l’appel de la pie traverse cet espace.
    Que nous servirait-il, en ce lieu, de courir ?

    J’aime ce chat discret qui ne rit, ni ne pleure,
    Qui, sans montre au poignet, peut décompter les heures,
    Et qui, si patiemment, m’écoute discourir.

  3. Retouche :

    tendres sont les couleurs.

  4. Murmurante église
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    Trois démons sur l’autel ont déposé des fleurs,
    Eux qui ne craignent point d’entrer dans une église ;
    Ils consacrent ainsi les biens qu’ils subtilisent,
    Auxquels ils n’attribuent pas la moindre valeur.

    Un murmure assourdi vient de leur sombre coeur
    Qui vibre faiblement, comme sous une brise ;
    Dieu sera bienveillant pour leur âme indécise
    Qui d’inframonde a pris les sinistres couleurs.

    Ils tremblent quelque peu ; est-ce un ange qui passe
    Ou un trou noir géant qui traverse l’espace ?
    Vers leur triste refuge ils sont prêts à courir.

    Les démons de l’Enfer rarement rient ou pleurent,
    Eux qui dans cette église aiment passer des heures ;
    Femme du charpentier, veux-tu les secourir ?

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