Poème 'Sonnet métaphysique' de Charles CROS dans 'Le coffret de santal'

Sonnet métaphysique

Charles CROS
Recueil : "Le coffret de santal"

Dans ces cycles, si grands que l’âme s’en effraie,
L’impulsion première en mouvements voulus
S’exerce. Mais plus loin la Loi ne règne plus:
La nébuleuse est, comme au hasard, déchirée.

Le monde contingent où notre âme se fraie
Péniblement la route au pays des élus,
Comme au-delà du ciel ces tourbillons velus
S’agite discordant dans la valse sacrée.

Et puis en pénétrant dans le cycle suivant,
Monde que n’atteint pas la loupe du savant,
Toute-puissante on voit régner la Loi première.

Et sous le front qu’en vain bat la grêle et le vent,
Les mondes de l’idée échangeant leur lumière
Tournent équilibrés dans un rhythme vivant.

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Commentaires

  1. Transmigration

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    Trois âmes ont volé par-dessus la colline :
    L'une, vêtue de rouge, avec de grands yeux d'or,
    L'autre, de jaune avec du sombre sur les bords,
    La troisième d'orange aux nuances divines.

    La première est partie dans la brise marine,
    Vers l'ombre des grands bois. La deuxième est au bord
    D'un canal où s'ébat la carpe aux reflets d'or.
    La troisième fréquente une friche anodine.

    Les grands bois, en novembre, ont encore des fleurs ;
    L'âme rouge se mêle à leurs vives couleurs,
    Sous le timide aspect d'un insecte ordinaire.

    L'âme jaune et l'orange ont dansé dans le vent,
    Ainsi commémorant leurs deux grands corps vivants ;
    Mais le vent fait danser, aussi bien, la poussière.

  2. Double paon
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    Le corps du double paon est comme une colline,
    Comme une butte au loin qui serait faite d’or ;
    Les étranges reflets que l’on voit sur ses bords
    Confèrent à son être une allure divine.

    Jamais ne va nageant dans la vague marine,
    Jamais ne jurera par les mille sabords ;
    Il est indifférent aux antiques décors,
    Leur préférant l’éclat d’une cour anodine.

    Ce paon, de mon jardin, est la plus belle fleur,
    Car aucun végétal n’égale sa couleur ;
    Un animal pareil, c’est extraordinaire.

    Il aime ce jardin, il danse dans le vent,
    Heureux d’être le paon, heureux d’être vivant ;
    Sitôt mort, comme moi, il deviendra poussière.

  3. Chevalier aux deux écus
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    Ce noble chevalier monte sur la colline ;
    De gueules, son armure est belle comme l’or ;
    C’est un homme courtois, et de plaisant abord,
    Son sourire lui donne une allure divine.

    Il a la nostalgie des étendues marines
    Et d’un ami barbu, jurant «mille sabords» ;
    Il ne le sent pas bien, ce terrestre décor,
    Ce bocage imprégné de couleur anodine.

    Lui, sur ses deux écus, n’arbore aucune fleur,
    Mais seulement des croix d’une étrange couleur ;
    En dehors de cela, rien d’extraordinaire.

    Il est un peu trop lourd pour danser dans le vent,
    Mais il est tout de même heureux d’être vivant
    Sous le ciel traversé par deux grands luminaires.

  4. Girafe de sinople
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    Cet animal magique arpente la colline,
    Son étonnant regard brille d'un reflet d'or ;
    Chacun peut admirer la grâce de son corps
    Ainsi que ses propos de sagesse divine.

    Elle, qui jadis fut créature marine,
    A de beaux souvenirs de l'océan sans bords ;
    Marcher sur quatre pieds demande plus d'efforts,
    Il y faut de l'adresse et de la discipline.

    Elle fait une pause et grignote une fleur
    Après avoir rêvé sur sa belle couleur ;
    C'est un tendre aliment, qui n'est pas ordinaire.

    La girafe s'anime et danse dans le vent,
    Chose qui peut charmer les morts et les vivants ;
    Et cet ébattement n'est qu'un préliminaire.

  5. Ramure d’un dieu
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    Ce grand dieu séduisit la vestale Adeline,
    Ils ont bu tous les deux dans un calice d’or ;
    Ensemble ils ont vécu dans un parfait accord,
    Ayant bon voisinage et demeure divine.

    Puis un monstre est venu des profondeurs marines,
    Par le dieu recruté comme garde du corps ;
    La vestale a trouvé qu’il était vraiment fort,
    Ayant pu constater sa puissance taurine.

    Il était plutôt jeune, il était beau parleur,
    Et nul n’avait jamais douté de sa valeur ;
    La suite de l’histoire, elle est bien ordinaire.

    La ramure du dieu se dresse dans le vent,
    Il n’en fait pas un drame, il reste bon vivant ;
    Comme on dit par chez nous, les dieux sont débonnaires.

  6. Harpe du dieu-cerf
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    J'entendis le vent
    Chanter dans cette ramure,
    Comme un bref poème.

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