Poème 'Ce n’est le fleuve tusque au superbe rivage' de Joachim DU BELLAY dans 'Les Regrets'

Accueil > Les poètes > Poèmes et biographie de Joachim DU BELLAY > Ce n’est le fleuve tusque au superbe rivage

Ce n’est le fleuve tusque au superbe rivage

Joachim DU BELLAY
Recueil : "Les Regrets"

Ce n’est le fleuve tusque au superbe rivage,
Ce n’est l’air des Latins, ni le mont Palatin,
Qui ores, mon Ronsard, me fait parler latin,
Changeant à l’étranger mon naturel langage.

C’est l’ennui de me voir trois ans et davantage,
Ainsi qu’un Prométhée, cloué sur l’Aventin,
Où l’espoir misérable et mon cruel destin,
Non le joug amoureux, me détient en servage.

Eh quoi, Ronsard, eh quoi, si au bord étranger
Ovide osa sa langue en barbare changer
Afin d’être entendu, qui me pourra reprendre

D’un change plus heureux ? nul, puisque le français,
Quoiqu’au grec et romain égalé tu te sois,
Au rivage latin ne se peut faire entendre.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. L’arbre du rivage
    -----------

    J’aime rendre visite à l’arbre du rivage,
    Auquel donna Linné son joli nom latin ;
    On y voit des oiseaux dans l’air frais du matin,
    Qu’on entend discourir en leur tendre langage.

    Ils ne s’éloignent point, n’étant guère sauvages,
    Ils récoltent des fruits qui leur sont un festin ;
    Cet arbre protecteur veille sur leur destin,
    Dont, tout au long du jour, la magie se dégage.

    Si dans ces lieux discrets parvient un étranger,
    Quelques mots avec lui nous aimons échanger ;
    Ce sont de petits riens qu’on dit pour se détendre.

    Être un arbre veut dire avoir du temps pour soi,
    Bien autant qu’un Bouddha qui dans l’ombre s’assoit ;
    Voici le grand silence, et nous aimons l’entendre.

  2. L’arbre du désert
    ----------

    Quatre siècles de vie sans le moindre nuage,
    Le dieu des cumulus en perdit son latin ;
    Du matin jusqu’au soir et du soir au matin,
    Cette plaine est livrée au vent sec et sauvage.

    J’ai consulté le ciel, j’ai consulté les sages,
    J’ai même interrogé un moine célestin ;
    Tous, ils ont invoqué l’insondable destin,
    Je ne suis qu’à moitié content de leur message.

    Dans mon propre terroir je me sens étranger,
    Comment donc a-t-il pu en désert se changer ?
    Quand reverrai-je, hélas, pousser une herbe tendre ?

    Dieu sait quel monstre a dit « Que l’aridité soit »,
    J’ignore également si mes mots il reçoit ;
    Mais je lance ma plainte et vous pouvez l’entendre.

  3. Arbre sans fruit
    -----

    Cet arbre a grandi loin des bienfaisants rivages,
    Le pollen fécondant nullement ne l’atteint ;
    Et l’abeille du soir, et celle du matin
    Toujours ont déserté cette zone sauvage.

    Un autre Adam vécut dans ces lointains parages,
    C’est ce que nous apprend un vieux bénédictin ;
    Mais pour lui, ni serpent, ni funeste destin,
    Juste cet arbre nu, pas de fruit, pas d’outrage.

    -- Or, peut-on s’envoler vers ces lieux étrangers ?
    Quel plan nous faudrait-il pour ainsi voyager ?
    -- Cesse donc de rêver, tu n’y pourras prétendre.

    Et tu me répondras que cela te déçoit,
    Mais il en est ainsi, l’Adam pur ne reçoit
    Jamais de visiteurs, pas même une Ève tendre.

Rédiger un commentaire

Joachim DU BELLAY

Portait de Joachim DU BELLAY

Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS