Clair de lune
Penser qu’on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l’épigastre.Ah ! tout pour toi, Lune, quand tu t’avances
Aux soirs d’août par les féeries du silence !Et quand tu roules, démâtée, au large
A travers les brisants noirs des nuages !Oh ! monter, perdu, m’étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !Astre atteint de cécité, fatal phare
Des vols migrateurs des plaintifs Icare !Œil stérile comme le suicide,
Nous sommes le congrès des las, préside ;Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;Ô pilule des léthargies finales,
Infuse-toi dans nos durs encéphales !Ô Diane à la chlamyde très-dorique,
L’Amour cuve, prend ton carquois et piqueAh ! d’un trait inoculant l’être aptère,
Les cœurs de bonne volonté sur terre !Astre lavé par d’inouïs déluges,
Qu’un de tes chastes rayons fébrifuges,Ce soir, pour inonder mes draps, dévie,
Que je m’y lave les mains de la vie !
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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