Poème 'Dea Silens' de Jean LORRAIN dans 'L'ombre ardente'

Dea Silens

Jean LORRAIN
Recueil : "L'ombre ardente"

« Sois charmante et tais-toi. » (Beaudelaire)

C’est une Dame étrange et sombre en bronze vert,
Dans sa lividité comme décomposée,
Et gardant sur le socle, où sa tète est posée,
L’effroi d’un grand oeil blême, aveugle et large ouvert.

Parmi les bouquets blancs, encor lourds de rosée,
Elle vit, noire idole, et sous le double éclair
Des prunelles d’argent et des lèvres d’or clair,
Semble une reine morte en public exposée.

Aussi, malade épris du mutisme outrageant
De ce bronze, amoureux de sa morne insolence,
Je l’ai coiffé de gaze et de toile d’argent.

Et, déifiant mon rêve éclos d’un voeu méchant,
J’adore avec bonheur la Dame du Silence
Dans ce spectre attifé, d’un vieux buste émergeant.

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Commentaires

  1. Cavalière
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    L'Amazone avançant sur les herbages verts
    Entre dans la lumière un peu décomposée ;
    Sur la selle, légère, artistement posée,
    Elle galope, vive, en terrain découvert.

    Déjà le chaud soleil a repris la rosée
    Et le grand cheval d'or, filant comme un éclair,
    Emporte l'héroïne en ce monde trop clair,
    Au monde révélée, au péril exposée.

    Ne sachant qu'en penser, ils ont, les braves gens,
    L'air perplexe devant ce parcours dérangeant,
    Soupçonnant la révolte, ou même, l'insolence.

    Mes chers concitoyens, vous n'êtes pas méchants,
    Si vous ne comprenez la danse ni le chant,
    Donnez-leur cependant l'hommage du silence.

  2. tout au début (de Lorrain) :

    "Baudelaire"

  3. Manu-Manu d’argent
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    L’animal est farceur, mais il n’est point pervers,
    Nulle calamité par lui ne fut causée ;
    Ses blagues sont toujours artistement dosées,
    Vous ne devez donc pas les prendre de travers.

    La vie par sa parole est métamorphosée,
    Les mots de son discours semblent flotter dans l’air ;
    De ce qu’il nous décrit, rien n’est tout à fait clair,
    Même quand on le scrute à tête reposée.

    Tu sais nous divertir, Manu-Manu d’argent,
    Tu donnes le sourire aux simples bonnes gens;
    Nous sommes éblouis par tes ambivalences.

    Puis, tu veux être aimé, quel sentiment touchant !
    Le peuple en est d’accord, c’est un noble penchant ;
    Souvent je les entends t’approuver en silence.

  4. Caricature
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    Toute ressemblance
    Avec tel ou tel bonhomme
    Nous ferait marrer.

  5. Baronne Chèvre
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    En ce palais je loge avec l’impératrice,
    Pour moi la valetaille a les plus grands égards ;
    Je les en remercie par d’aimables regards
    Et par quelques cadeaux (sans être corruptrice).

    De mon côté caprin me viennent des caprices,
    Je vide une bouteille avec quelques fêtards ;
    Même, j’ai voyagé aux côtés d’un routard,
    Mais d’aucune façon je n’en fus séductrice.

    Un troubadour souvent vient charmer ma journée,
    Lequel aux courtisans offre plusieurs tournées ;
    Un grand livre contient les rimes qu’il trouva.

    À la cour on peut voir le meilleur et le pire,
    L’Empereur est volage et souvent le prouva ;
    Parfois, en y songeant, ma maîtresse soupire.

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Jean LORRAIN

Portait de Jean LORRAIN

Paul Alexandre Martin Duval, dit Jean Lorrain, est un écrivain français à très forte tendance parnassienne, né à Fécamp le 9 août 1855 et mort à Paris le 30 juin 1906.
Jean Lorrain a été l’un des écrivains scandaleux de la Belle Époque, au même titre que Rachilde, Hugues Rebell et Fabrice Delphi. Ses œuvres peuvent... [Lire la suite]

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