Poème 'La reine des neiges' de Marie KRYSINSKA dans 'Rythmes pittoresques'

La reine des neiges

Marie KRYSINSKA
Recueil : "Rythmes pittoresques"

A Mlle Renée de Riny.

Je garde la mémoire fidèle
Des vieux contes, contés
Par les bonasses vieilles
Si bonasses et vieilles.
Elle me semblaient avoir au moins mille ans
Car l’oeil d’un enfant s’effare devant
Les rides.

* *

Dans un Pays, très loin – très loin,
La Reine des Neiges en robe de givre
Couronnée d’étoiles Polaires,
Habite un vaste et froid Palais
Aux murailles de glace
Que la Lumière Boréale
Orne de sanglantes panoplies.
Le Trône est tout de clairs joyaux:
Frêles colonnettes de stalactites
Et puissantes assises
De cristal frigide.
Et la Reine aux lents gestes pacifiants
Commande aux Vents Hyperboréens
Qui s’en vont porter le blanc trésor
Des bonnes Neiges
A toute la terre transie
Le blanc et doux trésor
Des douces neiges
Pour qu’elles couvrent les champs engourdis
Et fassent sur les routes désolées
Des tapis propices
Aux pas des errants.
Elle envoie le voile éblouissant
Des chastes Neiges
A la frissonnante nudité des branches
D’arbres, orgueilleux naguère
De leurs robes vertes;
Et le trésor des immarcessibles Neiges
Aux chaumières grises
Qui par sa grâce deviennent
Vêtues de splendeur.
Elle envoie le don munificent
Des Nuptiales Neiges,
Qui se font miraculeux décor
Dans les campagnes silencieuses,
Où la Fée de la Nuit mène sous la lune
Le cortège des amoureuses Fêtes -
Parmi les prés devenus pareils
A des océans de blancheurs
Diamantés d’étoiles. -
Et, sur les champs, les bois et les villes,
Du haut du pâle ciel,
C’est Elle qui ordonne
Aux légères Neiges
De tomber: plumes d’oiseaux blancs
Et faire des lits au long Sommeil sans rêves
Pour les attristés qui tendent leurs bras
Lassés, vers la clémente Mort.

Et voici qu’un jour
De trois points du monde
Trois voyageurs y sont venus;
Le premier était un Poète
Et il dit: Reine des Neiges
Donne-moi un cœur de glace,
Car ma mie
Est trop méchante
Et que je chante
Mes plus jolies chansons;
Ou que je pleure
Les plus tristes pleurs
De mon cœur,
Jeu est pour elle
Ma peine;
Quand plus ne l’aimerai
De merveilleux chants chanterai
Donne-moi un cœur de glace
Reine des Neiges.
Le second était un chevalier
Et il dit: Reine des Neiges
Donne-moi un cœur de glace,
Car lorsque en guerre je pars
Femme et petits pleurants
Me fendent l’âme
Et font trembler mon épée dans ma main;
Si plus personne n’aimais
De gloire me couvrirais -
Donne-moi un cœur de glace
Reine des Neiges.
Le troisième était un Juif
Et il dit: Reine des Neiges
Donne-moi un cœur de glace,
Pour que plus jamais
La plainte des Piteux
Que je dépouille
Ne m’importune;
Quand plus aucun remords n’aurai
Encore plus d’or amasserai -
Donne-moi un cœur de glace
Reine des Neiges.
Et la Reine des Neiges
Leur donna trois jolis cœurs de glace
Et ils s’en furent contents
Mais voici qu’un jour
Des trois points du monde
Les trois voyageurs
Y sont revenus.
Le Poète dit: Reine des Neiges
Prends mon luth, je n’en ai plus que faire -
Depuis que j’ai un cœur de glace
Je ne peux plus chanter.
Le chevalier dit: Reine des Neiges
Prends mon épée; je n’en ai plus que faire -
Depuis que j’ai un cœur de glace
Je n’ai plus de courage
Et le Juif dit: Reine des Neiges
Prends mes sacs d’ecus, je n’en ai plus que faire -
Depuis que j’ai un cœur de glace
Je ne peux même plus
Aimer mon or.

* *

J’ai gardé la mémoire fidèle
Des vieux contes, contés.

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Commentaires

  1. Pas très bien

  2. Ours que l'on dit seigneur des neiges
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    Régnait sur un pays de neige
    Un grand ours, avec deux valets ;
    Nul ne pouvait le prendre au piège,
    Il avait tout ce qu'il voulait.

    Vint une armée de l'Angleterre :
    -- Ici, vous n'aurez point de thé ;
    Ils sont partis, les militaires,
    L'argument les a dégoûtés.

    Il vint un régiment de France :
    -- Ici, l'on n'a point de pinard ;
    Ils s'en sont tous allés, tu penses,
    Ils ont déguerpi sans retard.

    Il vint trois soldats de Norvège :
    -- Ici, nul respect pour les vieux.
    Ils ont fui ce pays de neige,
    Leur lieu natal leur plaisait mieux.

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Marie KRYSINSKA

Portait de Marie KRYSINSKA

Marie Anastasie Vincentine Krysinska, née à Varsovie le 22 janvier 1845 et morte à Paris le 16 octobre 1908, est une poétesse française. Fille d’un avocat de Varsovie, Marie Krysinska de Lévila vient à Paris étudier au Conservatoire de musique, études qu’elle abandonne bientôt pour s’adonner à la littérature.... [Lire la suite]

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