Poème 'Le chevrier' de José-Maria de HEREDIA dans 'Les Trophées'

Le chevrier

José-Maria de HEREDIA
Recueil : "Les Trophées"

Ô berger, ne suis pas dans cet âpre ravin
Les bonds capricieux de ce bouc indocile ;
Aux pentes du Ménale, ou l’été nous exile,
La nuit monte trop vite et ton espoir est vain.

Restons ici, veux-tu ? J’ai des figues, du vin.
Nous attendrons le jour en ce sauvage asile.
Mais parle bas. Les Dieux sont partout, ô Mnasyle !
Hécate nous regarde avec son oeil divin.

Ce trou d’ombre là-bas est l’antre où se retire
Le Démon familier des hauts lieux, le Satyre ;
Peut-être il sortira, si nous ne l’effrayons.

Entends-tu le pipeau qui chante sur ses lèvres ?
C’est lui ! Sa double corne accroche les rayons,
Et, vois, au clair de lune il fait danser mes chèvres !

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Commentaires

  1. Propos du maître des novices
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    N'établis nul jardin aux pentes d'un ravin ;
    Tu n'y cultiverais que de l'herbe indocile.
    Prends de la bonne terre, à remuer facile,
    Accomplis des efforts, mais sans qu'il ne soient vains.

    S'il vient un visiteur qui t'apporte du vin,
    Qu'il ait le meilleur siège au sein de ton asile :
    Car le vin partagé, dit le grand Saint Basile,
    Est commémoratif d'un miracle divin.

    Le bonheur te traverse et parfois se retire.
    Basile nous a dit, le jour de son martyre :
    «Satan peut rire un peu, quand nous nous effrayons,

    Mais quand la grâce met un sourire à ma lèvre
    En posant sur ma chair ses lumineux rayons,
    Que me semble le diable ? Une petite chèvre.»

  2. Trois tonneaux consacrés
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    Une cave est creusée au flanc d’un frais ravin,
    Le Père Abbé en est le cellérier docile ;
    Ses yeux sont pleins de joie, car tout lui est facile,
    Les vignerons pour lui n’oeuvrèrent pas en vain.

    Dans le fond du cellier sont trois tonneaux de vin,
    Pour le bien accueillir fut bâti cet asile :
    On les y fit rouler en priant Saint Basile,
    Lui qui recommanda ce breuvage divin.

    Aussi, de temps à autre, un moine s’y retire,
    De ceux que durement les démons combattirent ;
    Ces êtres malfaisants dont nous nous effrayons.

    Il a rempli son verre, il le porte à sa lèvre,
    La saveur l’illumine ainsi qu’un doux rayon ;
    Puis il s’en va manger du fromage de chèvre.

  3. Chèvre de sable
    ----------------

    Je marche le long d’un ravin,
    Je suis une bête indocile ;
    J’évite les parcours faciles,
    Tu me les montres, c’est en vain.

    Chevrier, va boire ton vin,
    Prends tes aises dans ton asile ;
    Moi, j’irai voir le bouc Basile,
    C’est un reproducteur divin.

    Ici vient aussi le Satyre
    Que tant de bergers combattirent ;
    Tous les trois, nous nous égayons.

    Nous sauterons comme des lièvres,
    Baignés dans les tièdes rayons
    D’un soleil qui n’a rien de mièvre.

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José-Maria de HEREDIA

Portait de José-Maria de HEREDIA

José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]

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