Poème 'Le terme épars' de René CHAR dans 'Le Nu perdu'

Le terme épars

René CHAR
Recueil : "Le Nu perdu"

Si tu cries, le monde se tait: il s’éloigne avec ton propre monde.

Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie. Telle est la voie sacrée.

Qui convertit l’aiguillon en fleur arrondit l’éclair.

La foudre n’a qu’une maison, elle a plusieurs sentiers. Maison qui s’exhausse, sentiers sans miettes.

Petite pluie réjouit le feuillage et passe sans se nommer. Nous pourrions être des chiens commandés par des serpents, ou taire ce que nous sommes.

Le soir se libère du marteau, l’homme reste enchaîné à son coeur.

L’oiseau sous terre chante le deuil sur la terre.

Vous seules, folles feuilles, remplissez votre vie.

Un brin d’allumette suffit à enflammer la plage où vient mourir un livre. L’arbre de plein vent est solitaire. L’étreinte du vent l’est plus encore.
Comme l’incurieuse vérité serait exsangue s’il n’y avait pas ce brisant de rougeur au loin où ne sont point gravés le doute et le dit du présent. Nous avançons, abandonnant toute parole en nous le promettant.

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Commentaires

  1. Sagesse de René Char
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    RenéChar, tu connais la perversion du monde ;
    Et tu as, pour cela, beaucoup à lui donner.
    Tu vois un labyrinthe et, sans être étonné,
    Tu décris en trois mots sa structure féconde.

    L'aiguillon sous ta main devient une fleurette,
    De la même façon, tu arrondis l'éclair ;
    Oiseau, serpent et chien sont tes frères de chair,
    Ton coeur vibre toujours quand ton marteau s'arrête.

    Tu as rempli ta vie de quelques folles feuilles,
    Brûlant un vieux bouquin dans l'étendue des vents ;
    La plage te plaît bien, tu y marches souvent,
    Ta plume s'y repose et ton coeur s'y recueille.

  2. Oiseau glossonaute
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    « Voyons si ce mot-là vaut mieux que ce mot-ci »,
    Ainsi parle un oiseau qui compare deux termes ;
    Il cherche dans Littré, puis dans Grevisse aussi,
    Deux textes qui, dit-il, la sagesse renferment.

    Les jours et les saisons, les ans passent ainsi,
    Mais de son oeuvre propre on ne voit aucun germe ;
    Car de se rendre utile il n’a point le souci,
    Nulle sueur n’ira baigner son épiderme.

    Sobre, il le fut toujours, et donc, rien ne lui manque,
    Son but ne fut jamais d’emplir un compte en banque ;
    C’est un être discret, c’est un oiseau peinard.

    La poésie d’antan l’exalte et le transporte,
    Il en fait son régal, et, sans franchir sa porte,
    Déguste des sonnets avec un bon pinard.

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