Poème 'À la dame si reine' de Robert DESNOS dans 'Destinée arbitraire'

À la dame si reine

Robert DESNOS
Recueil : "Destinée arbitraire"

À la dame si reine
est le cabaret où je suis attablé ce soir
parmi des tables vides et nues comme des tombeaux.
Les garçons ont fait grande toilette
Ils s’affairent autour des chaises sans occupants :
Dans leur costume de corbeaux
Ils ont l’air de célébrer le mariage de la solitude et de la nuit
et moi j’attends.
Parfois le téléphone résonne et nul ne va répondre
et peut-être est-elle au bout du fil, loin d’ici, à m’appeler
mais nul ne répond et je ne sais quelle force m’interdit d’aller
prendre l’appareil en mains et de dire :
« C’est moi, l’alcool brille dans les bouteilles
viens, viens vite,
nous boirons toute la nuit si tu le désires
Si tu veux dormir, tu dormiras dans mes bras
en attendant le matin de cristal et de drap mouillé
qui tombe comme une vague sur la ville. »

Là-bas, la maison est vide
Je cours de chambre en chambre en appelant
Je pleure sur ton oreiller
Je sanglote en disant ton nom car nulle année passant après une autre année
ne pourra distraire ma pensée de ta pensée
mon désir de ton désir et ma bouche de ta bouche.

Les draps se saliront sans être froissés
sur le lit où tu aimais dormir
et je crève d’être seul et d’appeler et d’imaginer
à quels outrages te soumettent
les larves immondes que le destin a dressées sur notre chemin.

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Commentaires

  1. Porte des six reines
    __________

    De ce monde s'en vont six reines
    Pour trouver la planche et le pont
    Par où des espoirs elles ont
    Pour devenir jeunes sirènes.

    Mais trop hermétique est la porte,
    Nulle d'elles ne peut l'ouvrir ;
    Jamais ne pourront découvrir
    L'endroit d'où les sirènes sortent.

  2. Sainte Tavernière
    --------

    La dame qui ce comptoir abreuvait
    Dans un sourire, elle était douce et belle
    Et consolante, et loin d’être rebelle ;
    Gentille fée qui nos prénoms savait.

    Plus d’un buveur de ses charmes rêvait,
    Ça l’exaltait, ça lui donnait des ailes ;
    Il bénissait de louange immortelle
    La longue nuit qui son coeur éprouvait.

    Au premier rang nul ne pouvait prétendre,
    Au dernier rang nul ne voulait descendre ;
    Fier comme un coq chaque homme se montrait.

    En la taverne étaient prises nos âmes,
    Car nous étions vassaux de cette dame
    Qui sagement nos conflits arbitrait.

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