Au tragédien E. Rossi
après une récitation de Dante
Ô Rossi, je t’ai vu, traînant le manteau noir,
Briser le faible coeur de la triste Ophélie,
Et, tigre exaspéré d’amour et de folie,
Étrangler tes sanglots dans le fatal mouchoir.J’ai vu Lear et Macbeth, et pleuré de te voir
Baiser, suprême amant de l’antique Italie,
Au tombeau nuptial Juliette pâlie.
Pourtant tu fus plus grand et plus terrible, un soir.Car j’ai goûté l’horreur et le plaisir sublimes,
Pour la première fois, d’entendre les trois rimes
Sonner par ta voix d’or leur fanfare de fer ;Et, rouge du reflet de l’infernale flamme,
J’ai vu – j’en ai frémi jusques au fond de l’âme ! -
Alighieri vivant dire un chant de l’Enfer.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
Lys de sinople
--------
C’est un palmier maudit qui porte des fruits noirs
Dont Ève fut maudite et sa nièce Ophélie ;
Un diable exaspéré d’amour et de folie
Versa plus d’une larme au creux de son mouchoir.
Cet arbre est sans image, et nul ne le peut voir,
Sauf quelques cardinaux qui sont en Italie ;
Même, ils l’ont dessiné, de leur encre pâlie,
Baigné de pleine lune et de rosée, le soir.
Il se nourrit d’horreur et de plaisir sublime,
Et comme apéritif, il mange quelques rimes,
Un peu de savon noir, de la paille de fer ;
Un jour ce sombre bois périra dans les flammes,
Et nous n’entendrons plus la chanson de son âme,
Ce sera désormais un arbre de l’Enfer.