Fantôme
Arrête-toi ! Je suis ici, mais tant de nuit
Nous sépare qu’en vain tu fatigues ta vue :
Tu te tais car l’espace, où se dissout la rue,
Nous-même nous dissout et nous saoule de bruit.C’est l’heure où, panaché de fumée et de suie,
Le toit comme une plage offre au fantôme nu
Son ardoise où se mirer le visage inconnu
De son double vivant dans un miroir de pluie.Fantôme, laisse-nous rire de ta sottise.
Tu habites les bois, les châteaux, les églises
Mais tu es le valet de tout homme vivant.Aussi n’as-tu jamais fait de mal à ces êtres
Tant, s’ils ouvraient un soir la porte et les fenêtres,
Te dissoudrait la nuit dans le bruit et le vent.1942
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
Un barde crie dans la nuit,
Aucun espoir n'est en vue :
Car l'ennemi tient la rue
Où il manoeuvre à grand bruit.
Le soldat taché de suie
Menace le barde nu
Qui, pour lui, est inconnu.
Tous deux ont froid, sous la pluie.
C'est le temps de la sottise ;
Même caché dans l'église,
On est emmuré vivant.
C'est la saison du mal-être,
On occulte les fenêtres
Et l'on craint le bruit du vent.
Desnos, vers 7 :
"Son ardoise où mirer" (plutôt que "se mirer")
http://www.poemes.co/fantome.html
Fantôme d’un dragon
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Sur moi la vie n’a plus de prise,
Car mon corps s’est évaporé ;
Tu vois mon feu décoloré,
Tu vois tomber des cendres grises.
Je me dissipe dans la brise,
Moi que l’absence a dévoré ;
Rien ne sert de le déplorer,
Rien ne sert que tu l’analyses.
Où sont mes sentiments d’amour,
Où sont les plaisirs de l’alcôve ?
Tout baigne dans un brouillard mauve.
Où est ma langue de velours,
Où est partie mon âme pure ?
Dieu répond, en paroles dures.