Poème 'Il n’y a pas d’amour heureux' de Louis ARAGON dans 'La Diane française'

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Il n’y a pas d’amour heureux

Louis ARAGON
Recueil : "La Diane française"

Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux

Seghers, 1946

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Commentaires

  1. Aimer n’est pas un tour de force
    Aimer n’est pas si dur qu’on croit
    Ce n’est pas un chemin de croix
    Ni une épreuve qui vous broie
    Ni un parcours vers le divorce

    Aimer c’est se livrer sans armes
    Aimer c’est choisir son destin
    C’est chanter dans le clair matin
    Même dans les temps incertains
    C’est chanter au travers des larmes

    Ne plus aimer c’est déchirure
    Et c’est son propre coeur blesser
    Et c’est maudire son passé
    Et sa propre âme détresser
    Moi j’en connais qui en moururent

    D’aimer il n’est jamais trop tard
    Battent deux coeurs à l’unisson
    Et tremblent du même frisson
    Et chantent la même chanson
    Jouant sur la même guitare

  2. Merci à vous Cochonfucius pour votre belle réponse au beau poème d'ARAGON
    Fabienne

  3. En inverser le sens est fort louable, mais le divin dans sa plume....merci a Ozon et a Danièle Darrieux ce soir sur Arte.

  4. Écrire (et bien) un "contre poème" en réplique à Aragon, n'est-ce pas oublier que c'est un poème de guerre écrit au plus noir de ces années, début 43 ? Et le dernier vers (à corriger ! il faut lire l'octosyllabe : Mais c'est notre amour à tous deux, et non : à tous les deux) est essentiel. Aragon, en d'autres temps, aura aussi chanté l'amour heureux. Un seul exemple parmi beaucoup d'autres : "Tu m'as pris par la main comme un amant heureux (...) Le bonheur existe et j'y crois" (Le roman inachevé, Prose du bonheur et d'Elsa)

  5. Du temps où nous étions ensemble
    N'ayant rien à nous oufrir
    Docile à mon désir qui tremble
    Ne m'a tu pas, dans un baiser

    Ne tu pas donné ton âme
    Or le baisée c'est envolé
    Mais arme est toujours, Madame
    Soyez certain que je l'ai

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