Jeunes filles – Souvenir du Danemark
A la princesse D….
C’est un parc Scandinave, aux sapins toujours verts,
Où le vent automnal Courbe les fleurs d’hivers
Dans les vases de marbre anciens sur la terrasse ;
Et la vierge royale en qui revit la race
Des brumeux Suénon dont son père descend,
L’enfant blanche aux yeux clairs, la princesse du sang,
Immobile devant la balustrade antique,
Regarde le lointain azur de la Baltique.
En satin blanc, nu-tête, et du blond idéal
Qui couronne les fronts sous le ciel boréal,
Elle se tient debout, comme un spectre de reine,
Prise dans les grands plis que fait sa robe à traîne.
Au fond de ses yeux froids et pâles rien ne luit ;
Et c’est un lys éclos au soleil de minuit.
Au temps où dans le Nord je voyageais, princesse,
Je n’eus pas le bonheur de vous voir, mais sans cesse
Votre nom dit par tous, — que je veux taire ici, —
Eveillait dans mon cœur un douloureux souci.
Il m’a fait regretter mon obscure origine,
Et quanti je le prononce encore, j’imagine
De royales amours et, — rêveur insensé, —
Je crois être un instant votre beau fiancé.
Magnifique et reçu dans des honneurs insignes,
J’arrive du côté de la neige et des cygnes ;
Je suis un czaréwitch très-blond et presque enfant
Qui porte ce jour-là l’ordre de l’Éléphant,
Pour faire à votre père ainsi ma politesse,
Et je viens demander la main de Votre Altesse.
Nous ne nous disons pas de bien longues fadeurs,
Puisque tout est réglé par nos ambassadeurs.
L’escadre russe, ainsi que la flotte danoise,
Pour le jour solennel seulement se pavoise,
Et, dans l’instant heureux où vous prenez mon nom,
Vous tire un madrigal de cent coups de canon ;
Puis nos deux pavillons sont hissés dans l’espace…
Mais pardon. Je ne suis qu’un voyageur qui passe,
Vous ne m’avez pas vu, je ne vous connais pas ;
Vous ne vous doutez point qu’en faisant les cent pas
Devant votre château, dans ce parc noble et triste,
Pendant tout un matin, un poète touriste,
Voyageant au pays de la fleur d’Angsoka,
Princesse, dans un rêve exquis vous évoqua ;
Vous ne saurez jamais à quel point sa folie
Vous créait pâle et blonde, ô dernière Ophélie,
Et combien étaient purs vos yeux de clair saphir
Qui regardaient au loin la Baltique bleuir.
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François COPPÉE
François Édouard Joachim Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris où il est mort le 23 mai 1908, est un poète, dramaturge et romancier français. Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles. Poète du souvenir d’une première rencontre... [Lire la suite]
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