Poème 'La Sorgue' de René CHAR

La Sorgue

René CHAR

Rivière trop tôt partie, d’une traite, sans compagnon, Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.

Rivière où l’éclair finit et où commence ma maison, Qui roule aux marches d’oubli la rocaille de ma raison.

Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété. Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.

Rivière souvent punie, rivière à l’abandon.

Rivière des apprentis la calleuse condition, Il n’est vent qui ne fléchisse la crête de tes sillons.

Rivière de l’âme vide, de la guenille et du soupçon, Du vieux malheur qui se dévide, de l’ormeau, de la compassion.

Rivière des farfelus, des fièvreux, des équarisseurs, Du soleil lâchant sa charrue pour s’acoquiner au menteur.

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos, De la lampe qui désaltère l’angoisse autour de son chapeau.

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer, Où les étoiles ont cette ombre qu’elles refusent à la mer.

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux, De l’ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison, Garde-nous violent et ami des abeilles de l’horizon.

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Commentaires

  1. Batraciens près de la Sorgue
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    La grenouille à l’eau vive une eau calme préfère,
    Elle dont la paresse est le moindre travers ;
    Elle trône, immobile, en son bel habit vert,
    Savourant le plaisir de n’avoir rien à faire.

    L’amphibien ne vaut pas moins que le mammifère,
    Lui qui, au long du jours, ne fait rien de pervers ;
    Il anime la mare, il crée une atmosphère,
    Il s’active en été, puis s’endort en hiver.

    Ne dénigre donc pas la modeste grenouille,
    Ne lui demande pas d’aller chanter ailleurs
    Et ne l’accable pas de tes propos railleurs.

    Avec aucun voisin cet être ne se brouille,
    Son coeur n’est pas connu pour être batailleur ;
    Aucun mauvais penchant sa pureté ne souille.

  2. Un lézard au hasard
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    J’ai rêvé que j’étais un lézard en hiver,
    Ce songe me semblait un délire mystique ;
    La lune prononçait des paroles christiques,
    La terre était d’azur et le ciel était vert.

    Une luciole vint, qui me dicta des vers,
    Ayant interrompu son vol acrobatique ;
    Un blaireau m’expliqua des mots d’informatique
    Que, très probablement, je compris de travers.

    Je me mis à planer dans la brise marine,
    Dans le lointain voguait la nef de la tsarine ;
    Pour barreur, elle avait un polytechnicien.

    Les matelots jouaient une musique indienne,
    Le grand mât du navire était fait d’obsidienne ;
    Et cela se passait dans des temps très anciens.

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