Poème 'Le chien de coeur' de René CHAR

Le chien de coeur

René CHAR

Dans la nuit du 3 au 4 mai 1968 la foudre que j’avais si souvent regardée avec envie dans le ciel éclata dans ma tête, m’offrant sur un fond de ténèbres propres à moi le visage aérien de l’éclair emprunté à l’orage le plus matériel qui fût. Je crus que la mort venait, mais une mort où, comblé par une compréhension sans exemple, j’aurais encore un pas à faire avant de m’endormir, d’être rendu éparpillé à l’univers pour toujours. Le chien de coeur n’avait pas geint.
La foudre et le sang, je l’appris, sont un.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Météo du coeur
    -----------------

    Sous les drapeaux de mai, René Char est pensif :
    Si la foudre et le sang sont la même substance,
    Pourquoi le nom entre eux met-il une distance ?

    Seul, tel un naufragé posé sur un récif,
    Il contemple l'éclair, et tandis qu'il y songe,
    Il se montre surpris que sa vie se prolonge.

    René, tu n'entends pas gronder le chien du coeur,
    Lui qui parfois poussait des hurlements moqueurs :

    Tu as su déchiffrer la langue des ténèbres
    (Et c'est pour ce talent que tu devins célèbre).

  2. Chien de Hastings
    --------

    J’ai vu des combattants partir vers l’au-delà
    Et perdre leur épée à la tranchante lame ;
    Ils iront se chauffer aux infernales flammes,
    Les Normands que voici, les soldats que voilà.

    Cette guerre, vois-tu, n’est même pas un drame,
    C’est un affrontement sans gloire et sans éclat ;
    Les chevaux qui sont morts, nul ne les détela,
    Les Parques de leur vie ont déchiré la trame.

    Je suis le Seigneur Chien, le Bâtard invaincu,
    Tu frémis au récit de ce que j’ai vécu,
    Quand j’ai passé la mer tu craignis le naufrage.

    Je ne te lâche pas, maître de peu de foi,
    Je peux même t’offrir un peu de mon courage :
    Cette fidélité, c’est mon unique loi.

  3. Sagesse de Guillaume
    --------

    Duc de Normandie,
    Pour ton chien, tu es le roi
    De l'Humanité.

  4. Fier hybride
    ------

    À nul de mes cousins je ne suis comparable,
    Mon esprit par chacune est jugé savoureux ;
    Chacune se sent bien dans mes bras vigoureux,
    Dans leur lit me trouvant à chacun préférable.

    Je sais éliminer des rivaux redoutables,
    N’ayant presque jamais d’indulgence pour eux ;
    Dès qu’elle n’entend plus leurs discours amoureux,
    La belle fait de moi son amant véritable.

    Cependant, j’aime aussi boire avec mes amis
    Dans un petit troquet de la rue Saint-Rémi ;
    Je pense qu’il s’agit d’un plaisir légitime.

    J’écris quelques sonnets, n’en soyez pas surpris,
    Bien que ce soit un art que je n’ai pas appris ;
    J’évite d’y mêler des choses trop intimes.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS