Poème 'Les conquérants' de José-Maria de HEREDIA dans 'Les Trophées'

Les conquérants

José-Maria de HEREDIA
Recueil : "Les Trophées"

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

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Nanouchkafab44, leodehurlevent, SoulyneMacAdam et tiotblutte02100 ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.

Commentaires

  1. J'ai plus de 70 ans, et j'aime toujours autant la poésie. Je me souviens encore parfaitement ce poème, et l'avoir retrouvé m'a insufflé une immense joie! Je me revois enfant, en classe, récitant ces magnifiques vers, et bien des souvenirs ont afflué... Toute petite fille, j'avais appris "Les petits lapins dans les bois folâtrent sur l'herbe arrosée, et comme nous le vin d'Arbois, ils boivent la douce rosée. Gris foncé, gris( clair ou perle ), soupe au lait ...". Hélas, là, brusquement, ma mémoire refuse d'avancer. Il était question ensuite de choses charmantes comme "les arbres étaient d'angélique et les maisons de sucre candie!". C'était tout à fait adorable, évocateur de douces gourmandises, et je regrette vraiment la perte de ce texte. Se pourrait-il qu'une âme charitable le complète?

  2. Bonjour Micheline,

    Le premier poème dont vous parlez est "Lapins" de Théodore de Banville que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
    Pour "les arbres étaient d'angélique et les maisons de sucre candie!", c'est un autre poème, de Rosemonde GERARD ROSTAND : "Rêve de noël".
    Bons souvenirs !

    Cordialement.

  3. Un jour je reverrai mon village natal,
    Le beffroi musical, l'église un peu hautaine,
    Les bateaux sur le lac et leurs doux capitaines,
    Et la brise du soir qui n'a rien de brutal.

    De nouveaux bâtiments de verre et de métal
    Occupent à présent cette terre lointaine,
    Arborant fièrement une enseigne, une antenne,
    Et les riches couleurs du monde occidental.

    Devrai-je alors partir, de façon plus épique,
    Vers un village vierge, aux abords d'un tropique ?
    Je ne me crois point fait pour cet exil doré.

    L'aurais-je été, par contre, au temps des caravelles ?
    Ces lointains, j'aurais pu, je crois les ignorer :
    La terre familière est pour moi la plus belle.

  4. J'ai plus de 80 ans et j'aime toujours ce poème

  5. Bourg natif
    ---------------

    Un jour mon pas ira dans mon pays natal,
    À la tour sonnant clair, au grand palais hautain,
    Tant de bacs sur un lac aux marins non mutins,
    Puis un autan du soir, ni trop fort, ni brutal.

    D’originaux buildings d’aluminium fatal
    Sont aujourd’hui construits au pays si lointain,
    Arborant un fanal ou un miroir sans tain,
    Plus l’abondant fatras du puissant capital.

    Faut-il alors partir aux coins inamicaux,
    Dans un trou sans intrus, aux abords tropicaux ?
    Nul attrait n’a pour moi un ban, fût-il brillant ;

    Aucun goût pour partir sur un rafiot caduc :
    Un horizon distant, au lointain fourmillant,
    N’aura pas mon amour, ainsi qu’a dit Saint Luc.

  6. On mourra tous quelque part -

  7. Bonjour Alexandre !
    Je reviens seulement aujourd'hui, manipulant un peu mieux mon ordinateur, et je puis vous écrire ma vive émotion de vous trouver à la suite de mon texte, alors que justement, je cherchais encore ce poème des petits lapins qui me trottait dans la tête, et sans désemparer depuis une heure ! Je vais donc le lire, après vous avoir écrit, pour replonger avec délices dans cette douce enfance qui fut mienne. Je vais avoir 77 ans en Juillet... Alors, vous pouvez deviner le prodigieux saut en arrière que je me prépare à faire ! Écrivez-vous de la poésie? J'en suis presque certaine. Je suis moi-même inscrite à : mespoemes.net//micheline
    Nous pourrions nous y rencontrer en lecture ?
    Merci mille fois, cher Alexandre, pour m'avoir apporté votre précieux concours, et croyez à mon bien amical souvenir.
    Micheline.

  8. mon lien en poésie : mespoemes.net//micheline1940

  9. Moi aussi J'ai 71 ans. Au cours d'une émission de France inter, le jeu des 1000 euros, une question posée était: quel pays désigne Cipango ? La réponse, à laquelle les candidats n'avaient pas su répondre, me vint aussitôt à l'esprit : le Japon et avec cette réponse, ce ver "que Cipango mûrit en ses mines lointaines". Je me mis à fouiller ma mémoire et brusquement, comme la petite madeleine de Proust, me revinrent les deux premiers vers " Comme un vol de gerfauts..." Mais impossible de retrouver les autres vers. Je cherchais sur Internet et ce fut un plaisir immense de retrouver ces vers sublimes. Je décidais de les réapprendre pour les réciter à mes petits enfants. Si je me souviens bien je les appris au cours du cours moyen cm1 ou cm2. D'après Internet ont les étudie maintenant en terminale de français ! Et la chose sur laquelle on insiste est sur leur forme ABBA CDDC EFE GAG. Pauvre époque ! Au lieu de vibrer à la déclamation musicale enveloppée d'une sémantique limpide... Quel souvenir garderont les jeunes de maintenant, lorsqu'ils auront 70 ans ? Et encore faudrait il qu'ils les aient rencontrés !
    Par contre je ferais une petite critique au ver " Et les vents alisées inclinaient leurs antennes" car le "Et" établit une conjonction entre le fabuleux métal et les vents, ce que contredit la proposition gouvernée par le verbe inclinaient. Très humblement je remplacerais "inclinaient" Par "qui penchaient" . Cela garderait l'alexandrin et rendraient cette stophe plus comprehensibles.
    PS je ne suis pas un littéraire mais j'aime la poésie française et allemande. Je suis juste un scientifique en informatique.

  10. Et j'ajouterais que les plus beaux poèmes français ou allemands sont sublimés par la musique des mélodies ou des Lieder. Ainsi en va t'il de nombre de poèmes parnassiens mis en musique par Fauré ou Duparc et d'autres compositeurs français jusqu'à Ravel, Il en va de même en Allemagne, de Mozart à Strauss en passant par Schubert, Schumann et Wolf.

    Ecoutez L'invitation au voyage de Shubert chantée par Bernard Kruysenis en musique par Henri Duparc ou les poèmes de Heine chantés par Diedrich Fischer Diskau en musique par Shumann !!!

  11. Ambiphant rose
    --------------------

    Il a presque oublié son continent natal ;
    Si son allure est noble, elle n’est pas hautaine,
    Il n’est qu’un animal et pas un capitaine.
    C’est un ambiphant rose, il n’a rien de brutal.

    Une froide prison de verre et de métal
    Lui sert de domicile en la terre lointaine,
    Avec des visiteurs qui viennent par centaines,
    Citoyens désoeuvrés du monde occidental.

    Aurais-tu donc rêvé d’une vie plus épique,
    Dans une forêt vierge, aux abords d’un tropique ?
    Car tu n’étais point fait pour cet exil doré.

    Peter Pan, s’il survient avec sa caravelle,
    Te fera retrouver ton terroir adoré ;
    La fuite dans un rêve est toujours la plus belle.

  12. J'ignorais cet endroit,
    Fait de mots et d'émoi
    Merci encore une fois
    De faire vivre les rimes
    Cette encre sur les doigts
    N'en est que plus sublime.

  13. J‘ai aussi soixante–treize ans et ces vers ont également rempli de romantisme ma préadolescence belge ! Deux autres poêmes les accompagnent très souvent lors de nuits trop blanches et trop longues du vieillard que je me refuse à être . Il s‘agit du Desdicado de Gérard de Nerval et du moins connu “ Mon âme a son secret, ma vie a son mystère“ de Félix Arvers . Je vous les recommande !

  14. Ce poeme fait partie, avec une dizaine d'autres,
    de ceux qui m'arrachent toujours des
    larmes d'émotion, même à 70 ans !

    Les autres étant l'albatros, Waterloo morne plaine,
    À Villequier, la tirade de Camille, la retraite de Russie,
    Heureux qui comme Ulysse, etc...
    bref tous les piliers du Lagarde et Michard et du Castex et
    Surer que j' ai pieusement gardes depuis le Lycée Montaigne de la rue Auguste Comte..

    N'êtes vous pas d'accord ?
    Cordialement
    Jean-Luc

  15. Pourquoi est-ce “du monde occidental”? Cipango, c’est le Japon, non?

  16. Mais ceux-là essaient d'y aller en se déplaçant vers l'Ouest, pour faire le tour.

  17. Salut à tous.
    Quelques critiques concernant la transcription du poème "Les Conquérants": tout d'abord, il manque une virgule entre Palos et Moguer; Le port de Palos de la Frontera étant situé en Andalousie, tandis que Moguer est situé dans les Côtes d'Armor au fond de la baie de Kersalic. Concernant le "Monde Occidental", il faut se souvenir que les Capitaines devaient contourner l'Afrique par le Cap de Bonne Espérance pour rejoindre le Japon (Cipango en l'époque). Autre sujet, j'ai lu qu'un lecteur aurait suggéré à l'auteur d'employer le verbe "pencher" plutôt que "inclinaient leurs antennes". Je me relis le ver: "Et les vents alizés inclinaient leurs antennes ect". Entendez-vous les ZZZ siffler dans ce ver? Comme le son du vent dans les haubans?
    C'est proprement du Pur Génie que d'être capable de faire chanter un Alexandrin...

  18. à 77 ans je me récite encore "les conquérants", poème appris il y a plus de 65 ans au collège, sous la direction de notre professeur de français, mademoiselle LEJOUR.
    Plus tard, pendant mon service militaire dans la marine, je me suis retrouvé plusieurs fois à l'avant de l'escorteur "la BASQUE" trempé par les embruns, réciter "les conquérants" en imaginant CIPANGO rejoint par Panama.
    Bon vent
    JPC

  19. @ Mark Demoulin Healey,

    J'ai, quant à moi, 85 ans. Et vous avez éveillé un souvenir que je croyais perdu :

    Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
    Un amour éternel en un moment conçu.
    Le mal est sans espoir aussi j'ai dû le taire.
    Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

    Hélas! J'aurai passé près d'elle inaperçu.
    Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
    Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre
    N'osant rien espérer et n'ayant rien reçu.

    Je ne retrouve pas les vers qui suivent mais je saute aux deux derniers qui font de ce poème la quintessence de la poésie platonique :

    Elle dira, lisant ces mots tout remplis d'elle :
    Quelle est donc cette femme? Et ne comprendra pas.

  20. Bonjour,
    Merci à tous pour cette belle série de commentaires.
    Cochonfucius, ces poèmes sont de vous ? J'aime beaucoup le premier posté, reprenant Heredia, et aussi Bourg natif. Merci !

  21. Et, bouteille à la mer, quelqu'un aurait-il en tête le titre ou l'auteur d'un poème français du XXème siècle qui se termine par " ... le souvenir du souvenir de mes 15 ans." ?

  22. (oups, pardon d'avoir écrit "quinze" en chiffres, ça jure)

  23. Village qui flotte
    --------

    Loin de leur rivage natal,
    Ils suivent leur route incertaine ;
    Aucun d’entre eux n’est capitaine,
    Ce manque n’est pas capital.

    La nef de pierre et de métal
    Vogue vers des terres lointaines ;
    Or, les sirènes, par centaines,
    Saluent ce monstre occidental.

    La vie à bord n’a rien d’épique,
    Même dans l’air chaud des tropiques ;
    Nul n’y fait de rêves dorés.

    Comme sur une caravelle,
    Des pavillons sont arborés,
    Symboles d’une ère nouvelle.

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José-Maria de HEREDIA

Portait de José-Maria de HEREDIA

José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]

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