Poème 'Scène d’atelier' de Charles CROS dans 'Le collier de griffes'

Scène d’atelier

Charles CROS
Recueil : "Le collier de griffes"

À Louis Montégut.

Exquis musicien, devant son chevalet,
Le peintre aux cheveux d’or, à la barbe fleurie
Chantonne. Et cependant il brosse avec furie
La toile, car, vraiment, ce sujet-là lui plaît

Le modèle est un tigre, un vrai tigre, complet,
Vivant et miaulant comme dans. sa patrie ;
Ce tigre pose mal, son mouvement varie,
Ce n’est plus le profil que le peintre voulait.

Il faut voir de la griffe, et de la jalousie…
Et le peintre, chantant des chants de rossignol,
Pousse la bête, qui rugit. Lui s’extasie.

Et de sa brosse au noir, qui court d’un léger vol,
Sème parmi le poil rayé « La Fantaisie »,
Double-croche, et soupir et dièze et bémol.

—–

Je suis un homme mort depuis plusieurs années ;
Mes os sont recouverts par les roses fanées.

—–

Tant pis pour la vertu ! Polichinelle ivrogne,
Et doublement bossu, se moque des procès,
Du diable, de la mort ; après tant de forfaits !
Et nous l’adorons tous. Pourquoi ? Parce qu’il cogne !

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Commentaires

  1. Sanglier de sable
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    Reste, beau sanglier, près de mon chevalet ;
    Cesse un peu d’arpenter la campagne fleurie,
    Cesse un peu de grogner comme un homme en furie ;
    Je veux te dessiner, sanglier, s’il te plaît.

    Car tu es un cochon, un vrai porc, au complet ;
    La forêt francilienne est ta noble patrie,
    Où, selon ton bon goût, qui jamais ne varie,
    Tu as su dévorer tout ce que tu voulais.

    De ton malin regard, un chacun s’extasie,
    Et ton joli profil crée de la jalousie ;
    Au milieu de la nuit te chante un rossignol.

    On doit te célébrer, cochon de fantaisie,
    C’est le premier devoir de notre poésie,
    Un aimable devoir, comme aurait dit Pagnol.

  2. Stéphane Cattaneo
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    Stéphane a terminé ce beau tableau qu'il signe
    Cattaneo, car c'est, le saviez-vous, son nom.
    Il s'interroge alors : le vendra-t-il, ou non ?
    D'un musée, d'une expo, la toile est-elle digne ?

    Choisissant un papier plus blanc que n'est un cygne,
    Il traça mon portrait, au temps où son renom
    Était confidentiel ; de tels artistes n'ont,
    Quand ils sont débutants, qu'éloges en trois lignes.

    Stéphane, si souvent nous avons ri ensemble,
    Je peux te consacrer un sonnet, que t'en semble ?
    En souvenir des mots du grand Gérard Mentor.

    Or, tu as bien raison de jouir de ta peinture,
    Même lorsque tu dois te serrer la ceinture ;
    Elle est comme un printemps, n'en déplaise aux butors.

  3. Dauphin de Nouvelle Aquitaine
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    Jamais, d’être un poisson, il ne donne aucun signe ;
    Cétacé, c’est sa classe, et Dolphin est son nom.
    Il s’interroge alors : poisson, l’est-il, ou non ?
    D’être une vraie question, la phrase est-elle digne ?

    Car un dauphin n’est pas plus blanc que n’est un cygne,
    Mais on fit son portrait, au temps où son renom
    Était providentiel ; et les artistes n’ont,
    Sur ce bel animal, qu’éloges en trois lignes.

    Beau dauphin, si souvent nous avons ri ensemble,
    Cela peut devenir un sonnet, que t’en semble ?
    Le Dauphin du Primate est souvent le Mentor.

    Mes blasons ne sont pas des oeuvres de peinture,
    Ou sinon je devrais me serrer la ceinture ;
    Mais j’aime les dauphins, n’en déplaise aux butors.

  4. Diablecerf
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    D’être animal-démon, il en donne des signes ;
    Brûlant est son regard. Diablecerf est son nom.
    Verse-lui de la bière, il ne dira pas non,
    Il peut en boire un peu, tout en restant très digne.

    Certes, son coeur n’est pas plus blanc que n’est un cygne,
    Il a bien mérité son terrible renom ;
    Car tous les chroniqueurs écrivant sur lui n’ont
    Jamais pu rédiger une indulgente ligne.

    S’il rencontre le Sphinx, ils s’amusent ensemble,
    Et ces deux entités se valent, ce me semble ;
    Chacun à l’autre sert de Muse et de Mentor.

    Monstre que l’on ne voit jamais sur les peintures,
    Dont l’emblème parfois orne une sépulture ;
    C’est un être maudit, ce n’est pas un butor.

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