Poème 'Avec le cœur du chêne' de Robert DESNOS dans 'Les Ténèbres'

Avec le cœur du chêne

Robert DESNOS
Recueil : "Les Ténèbres"

Avec le bois tendre et dur de ces arbres, avec le cœur du chêne
et l’écorce du bouleau combien ferait-on de ciels, combien d’océans,
combien de pantoufles pour les jolis pieds d’Isabelle la vague ?

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.

Avec le ciel combien ferait-on de regards, combien d’ombres derrière le mur,
combien de chemises pour le corps d’Isabelle la vague ?

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.

Avec les océans combien ferait-on de flammes, combien de reflets
au bord des palais, combien d’arcs-en-ciel
au-dessus de la tête d’Isabelle la vague ?

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.

Avec les pantoufles combien ferait-on d’étoiles, de chemins dans la nuit,
de marques dans la cendre, combien monterait-on d’escaliers
pour rencontrer Isabelle la vague ?

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans,
avec les pantoufles.

Mais Isabelle la vague, vous m’entendez, n’est qu’une image du rêve
à travers les feuilles vernies de l’arbre de la mort et de l’amour.

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.

Qu’elle vienne jusqu’à moi dire en vain la destinée que je retiens
dans mon poing fermé et qui ne s’envole pas quand j’ouvre la main
et qui s’inscrit en lignes étranges.

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.

Elle pourra mirer son visage et ses cheveux au fond de mon âme et baiser ma bouche.

Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.

Elle pourra se dénuder, je marcherai à ses côtés à travers le monde, dans la nuit,
pour l’épouvante des veilleurs. Elle pourra me tuer, me piétiner
ou mourir à mes pieds.

Car j’en aime une autre plus touchante qu’Isabelle la vague.

Avec le cœur du chêne et et l’écorce du bouleau, avec le ciel,
avec les océans, avec les pantoufles.

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Commentaires

  1. Arbre de l’infante
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    Sur une branche est un oiseau sans crainte,
    C’est de l’infante un compagnon prisé ;
    Sur ses mains, même, il aime se poser,
    Son amitié pour elle n’est pas feinte.

    Elle lui chante une douce complainte
    Sur les méfaits d’un vieux renard rusé ;
    Un noir corbeau par lui fut abusé
    Sur ce même arbre, auprès du mur d’enceinte.

    L’oiseau répond de sa timide voix,
    Aux trois couplets il ajoute un envoi ;
    D’une cigale on entend la rengaine.

    C’était au temps où l’infante chantait,
    Où le bon roi mille roses plantait,
    Où le bouffon soupirait pour la reine.

  2. Arbre de légende
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    Je suis dans votre Histoire Sainte,
    Sans que mon nom soit précisé ;
    En pommier je fus déguisé,
    C’est d’un obscur scribe la feinte.

    Mes branches ont subi l’étreinte
    Des anneaux d’un serpent rusé ;
    Le couple qu’il sut abuser
    Fut expulsé de cette enceinte.

    Ils ne perdirent pas leur foi ;
    Même, ils en firent une loi,
    Pour guider l’aventure humaine.

    Ève un psaume nouveau chantait,
    Adam ses légumes plantait ;
    Ils aménageaient leur domaine.

  3. Chêne-barde
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    Mots d’arbre lancés dans le vent,
    Mots qui traversent mon écorce ;
    C’est au vent qu’ils doivent leur force,
    Lui que je remercie souvent.

    S’en amusent les paysans,
    Rudes gaillards au puissant torse ;
    Leurs ancêtres vinrent de Corse,
    De Bacchus ils sont partisans.

    Le chant charme aussi les oiseaux ;
    Sa mélodie n’est pas brutale,
    Je la tiens d’un frêle roseau.

    Le texte émane de ma sève
    Que nourrit ma terre natale ;
    Ou bien, tout cela n’est qu’un rêve.

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