Poème 'Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur' de Joachim DU BELLAY dans 'Les Regrets'

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Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur

Joachim DU BELLAY
Recueil : "Les Regrets"

Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur,
Ton Du Bellay n’est plus : ce n’est plus qu’une souche
Qui dessus un ruisseau d’un dos courbé se couche,
Et n’a plus rien de vif, qu’un petit de verdeur.

Si j’écris quelquefois, je n’écris point d’ardeur,
J’écris naïvement tout ce qu’au coeur me touche,
Soit de bien, soit de mal, comme il vient à la bouche,
En un style aussi lent que lente est ma froideur.

Vous autres cependant, peintres de la nature,
Dont l’art n’est pas enclos dans une portraiture,
Contrefaites des vieux les ouvrages plus beaux.

Quant à moi, je n’aspire à si haute louange,
Et ne sont mes portraits auprès de vos tableaux
Non plus qu’est un Janet auprès d’un Michel-Ange.

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Commentaires

  1. Agonie à Roncevaux
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    C’est le comte Roland, où donc est sa grandeur ?
    Ce vaincu, ce mourant s’appuie contre une souche,
    Son orgueil avec lui se flétrit et se couche,
    Le voici regrettant son ancienne verdeur.

    Or, en nulle occurrence il n’a manqué d’ardeur,
    Mais le doigt de la Mort en cet instant le touche,
    Plus d’épée en sa main, plus de cor en sa bouche,
    Mais des membres mourants où s’en vient la froideur.

    À Roncevaux, pourtant, sereine est la nature
    Qui de son Créateur est une portraiture ;
    Car jamais on ne vit un ouvrage plus beau.

    Le poète impérial prépare une louange,
    Les peintres de la Cour pensent à des tableaux,
    Et, dans le ciel de Dieu, j’entends prier les anges.

  2. Oiseau qui n’écrit pas
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    Moi qui n’ai jamais eu la folie des grandeurs,
    L’encrier de chez moi, nullement je n’y touche ;
    Je me méfie des mots qui sur rien ne débouchent,
    De prose ni de vers je ne serai vendeur.

    D’autres pour s’exprimer ne manquent pas d’ardeur,
    Pour eux, le coche est loin de monter sans la mouche ;
    Ils dévoilent leur âme, ils ne sont pas farouches,
    Et, s’ils sont indiscrets, c’est en toute candeur.

    D’étaler mes tourments n’est pas dans ma nature,
    J’ai d’autres intérêts que la littérature :
    M’abriter quand il pleut, m’envoler s’il fait beau.

    Rien n’est là pour durer dans ce monde qui change ;
    Je suis comme un noyé qui s’enfonce dans l’eau
    Ou les cendres d’un mort qui descendent le Gange.

  3. Crosse à vendre
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    C’est un évêque, ce vendeur,
    Embarqué dans un trafic louche ;
    Ne fais donc pas la fine bouche,
    Ce qu’il vend, c’est une splendeur.

    Prends-lui sa crosse, sans pudeur,
    Personne ne prendra la mouche ;
    Elle bénit ceux qui la touchent,
    Elle éloigne les emmerdeurs.

    Aucun besoin de prélature
    Ni de papale signature
    Pour détenir ce bibelot.

    Donne une bouteille en échange ;
    Donne du vin, et non de l’eau,
    Cette dernière est pour les anges.

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Joachim DU BELLAY

Portait de Joachim DU BELLAY

Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]

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