Poème 'Fête-Diable' de Robert DESNOS dans 'Les Sans Cou'

Fête-Diable

Robert DESNOS
Recueil : "Les Sans Cou"

La dernière goutte de vin s’allume au fond du verre
Où vient d’apparaître un château.
Les arbres noueux du bord de la route s’inclinent vers le voyageur.
Il vient du village proche,
Il vient de la ville lointaine,
Il ne fait que passer au pied des clochers.
Il aperçoit à la fenêtre une étoile rouge qui bouge,
Qui descend, qui se promène en vacillant
Sur la route blanche, dans la campagne noire.
Elle se dirige vers le voyageur qui la regarde venir.
Un instant elle brille dans chacun de ses yeux,
Elle se fixe sur son front.
Étonné de cette lueur glaciale qui l’illumine,
Il essuie son front.
Une goutte de vin perle à son doigt.
Maintenant l’homme s’éloigne et s’amoindrit
Dans la nuit.
Il est passé près de cette source où vous venez au matin cueillir le cresson frais,
Il est passé près de la maison abandonnée.
C’est l’homme à la goutte de vin sur le front.
Il danse à l’heure actuelle dans une salle immense,
Une salle brillamment éclairée,
Resplendissante de son parquet ciré
Profond comme un miroir.
Il est seul avec sa danseuse
Dans cette salle immense, et il danse
Au son d’un orchestre de verre pilé.
Et les créatures de la nuit
Contemplent ce couple solitaire et qui danse
Et la plus belle d’entre les créatures de la nuit
Essuie machinalement une goutte de vin à son front,
La remet dans un verre,
Et le dormeur s’éveille,
Voit la goutte briller de cent mille rubis dans le verre
Qui était vide lorsqu’il s’endormit.
La contemple.
L’univers oscille durant une seconde de silence
Et le sommeil reprend ses droits,
Et l’univers reprend son cours
Par les milliers de routes blanches tracées par le monde
À travers les campagnes ténébreuses.

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Commentaires

  1. Godet d’azur
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    C’est lui qu’on doit vider aux jours de grande fête ;
    L’échanson le remplit de son geste assuré.
    Sur l’antique bouteille un scribe a figuré
    «Hoc est sacramentum», parole d’un prophète.

    Arrosant la victoire et noyant la défaite,
    Mais conservant toujours un débit mesuré,
    Les convives oublient les labeurs endurés
    Ainsi que les tourments d’une vie imparfaite.

    Ils songent au destin de Bacchus renaissant
    Qui triomphe, entouré de silènes puissants,
    Comme un bois vert renaît d’une forêt brûlée.

    Presque sobre est resté l’ascète méditant,
    Mais il profite mieux de la voûte étoilée
    Quand il peut déguster ce nectar éclatant.

  2. Méditation d’un oiseau
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    Je contemple la ville et la nature en fête,
    Je tourne mon regard vers le ciel azuré ;
    Mais ces jours finiront, je le peux augurer,
    Point n’est besoin pour ça d’être un hibou-prophète.

    Je me dis que la mort n’est pas une défaite,
    Tous ceux qui sont en vie ont leur temps mesuré ;
    Survivre à l’un, à l’autre, il nous faut l’endurer,
    Pourtant, notre vaillance est encore imparfaite.

    Ce monde impermanent qu’on découvre en naissant,
    Il faut l’abandonner, à d’autres le laissant
    Qui sauront à leur tour prendre leur envolée.

    Tel était le propos de l’oiseau méditant,
    Dont fut modérément son âme consolée ;
    Certes, de tels sujets n’ont rien de palpitant.

  3. Arbor Felix
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    J’ai pour dryade un diable noir
    Dont la fourche est toujours brandie ;
    Il me garde des incendies,
    Ayant un magique arrosoir.

    Je crois qu’il a d’autres pouvoirs,
    Car son âme est vraiment hardie ;
    Sa bravoure est même applaudie
    Par le rouge soleil du soir.

    Certains soirs, j’entends qu’on l’appelle ;
    Ce sont, dans la vieille chapelle,
    Des saints de bois qui l’aiment bien.

    Saints et diable ensemble parviennent
    À la taverne très ancienne
    Où la bière est pour presque rien.

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