Poème 'Le Paysage' de Robert DESNOS dans 'Contrée'

Le Paysage

Robert DESNOS
Recueil : "Contrée"

J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détour.

J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu au carrefour.

C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit
L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.

À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.

1944

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Commentaires

  1. C'est un pays où le soleil
    Est un trou noir dans un ciel mauve;
    Tu y vas pendant ton sommeil,
    Lors de ton réveil tu t'en sauves.

    Dans ce pays, lorsque tu vois
    Auprès de toi un personnage,
    Ce n'est pas celui que tu crois;
    Et trop changeants sont les visages

    Pour qu'on puisse associer un nom
    A une personne qui parle.
    Ah, c'est Alfred, ah, pourtant non,
    Voilà qu'il est devenu Charles.

    C'est un pays où quand on prend
    Un livre on n'y voit pas de lettres,
    Si on les voit on ne comprend
    Rien à ce qu'elles pourraient être,

    Ou si on veut cartographier
    Cet insondable territoire,
    On en est bientôt mortifié;
    Mais ceci est une autre histoire.

    C'est un pays dont le sol mou
    Rend la marche un peu malhabile,
    Il faut forcer sur les genoux
    Et par moments c'est bien pénible.

    Les animaux d'un tel pays
    Ne sont pas tous reconnaissables,
    On ne peut en être obéi,
    Certains sont vraiment haïssables.

    Dans ce pays, l'instituteur
    Donne ses cours à la taverne.
    Mais son public est chahuteur,
    N'écoutant point ses balivernes.

    Et dans ce pays, les cadrans
    Des horloges sont fantaisistes,
    Ils montrent des chiffres marrants
    Et les changent à l'improviste.

    Ah, dans ce pays, les tombeaux
    Ont subi du temps les ravages;
    Leur aspect ne serait pas beau,
    S'ils n'étaient sous l'herbe sauvage.

    C'est un pays aux nuits grandioses
    Mais où les jours sont un peu morts.
    On vibre en une apothéose,
    L'instant d'après on n'est qu'un porc.

    Pays de poissons aux yeux d'or
    Dont la chair est décomposée
    Et qui avec de grands efforts
    Veulent maîtriser leur nausée.

    Intoxiqués de volupté,
    Ils passeront leur vie entière
    A consommer de la beauté
    Qui dans le fond n'est que misère.

    Point n'est de fin à leurs désirs
    Sous le froid regard de la lune,
    Ils se prennent sans se choisir,
    Leurs joies s'effacent une à une.

  2. Planète Sadiracandra
    -------------------

    Ici, jamais les gens n’auront l’air d’être vieux,
    Comme un rêve est la vie dans ces heureux parages ;
    Nul n’y verra jamais la fureur ni la rage,
    Leurs coeurs sont aussi purs que leurs paisibles cieux.

    Nulle nef ne pourra te conduire en ces lieux,
    Tu n’atterriras point parmi leurs frais ombrages ;
    D’ailleurs, ce paradis, c’est peut-être un mirage,
    Une ruse du Diable, une farce de Dieu.

    Or, rêvant d’un tel monde, on s’obstine, on espère,
    On peut imaginer qu’un prodige s’opère ;
    Nous sommes pourtant loin d’y croire, franchement.

    Qu’importe ! Nous aimons ces fantasmes fragiles ;
    Nous voulons oublier que la chair est argile,
    Donc, nous nous languissons d’une vie sans tourments.

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  1. Printemps d’hiver | Pays de poésie

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