Le squelette
Deux reîtres saouls, courant les champs, virent parmi
La fange d’un fossé profond, une carcasse
Humaine dont la faim torve d’un loup fugace
Venait de disloquer l’ossature à demi.La tète, intacte, avait un rictus ennemi
Qui nous attriste, nous énerve et nous agace.
Or, peu mystiques, nos capitaines Fracasse
Songèrent (John Falstaff lui-même en eût frémi)Qu’ils avaient bu, que tout vin bu filtre et s’égoutte,
Et qu’en outre ce mort avec son chef béant
Ne serait pas fâché de boire aussi, sans doute.Mais comme il ne faut pas insulter au Néant,
Le squelette s’étant dressé sur son séant
Fit signe qu’ils pouvaient continuer leur route.
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
Lyre de sinople
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Pour offrir un beau rêve à l’ermite endormi,
La lyre de sinople a des sons efficaces ;
Il lui suffit souvent d’un petit air fugace
Pour apaiser d’un coup le blessé qui gémit.
Le moustique pervers, du sommeil ennemi,
Cesse de voleter, car ses ailes sont lasses ;
Le sombre cauchemar, qui parfois nous tracasse,
Ne tourmentera plus notre âme qui frémit.
Par les beaux soirs d’automne, en rêve je l’écoute
Et je me sens pousser des ailes de géant ;
Je pense m’approcher de la céleste voûte.
Mon coeur sans ralentir traverse l’Océan,
Un Bouddha m’accompagne au Pays du Néant ;
La lyre me conduit sur la cosmique route.