Poème 'L’oiseau qui vole vers la côte' de Robert DESNOS dans 'Destinée arbitraire'

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L’oiseau qui vole vers la côte

Robert DESNOS
Recueil : "Destinée arbitraire"

L’oiseau qui vole vers la côte
n’est pas près du bord où, tendant les lèvres,
Le ciel de terre, au ciel de mer
offre un baiser d’écume.

n’a pas tort de voler, l’oiseau perdu en mer,
n’a pas tort, le marin qui fixe à l’avant du navire,
figure de proue, figure de rêve,
L’image même de celle qu’il aime.

Ceci se passe loin de tous les continents,
Loin des continents herbus où courent les taureaux sauvages,
Loin des continents mouillés où le lamantin et l’hippopotame
Barbotent grassement dans la boue qui luit et sèche et craque,

Loin des continents de ville et d’amour,
Loin des continents d’éternelle jalousie,
Loin des continents de steppe et de neige et de sable,
Loin des continents de soleil

Ceci se passe où je veux,
Au pays des sirènes et des typhons,
au pays des roulements de tonnerre
Près du continent du ciel aride,
Dans l’archipel éternel des nuages.

Roulez, roulez, nuages, tandis que l’oiseau vole.
Non loin de là,
Une fiancée reçoit pour sa fête
La carte postale d’éternel serment

La colombe, au bec, tient la lettre cachetée :
« Je vous jure un amour de toujours. »
Roulez, roulez, nuages, archipel de nuages,
Océan, aride océan.

Les fontaines se lamentent loin des oiseaux
Loin du murmure du vent dans les platanes.
À pleine gueule, le poisson que tient la sirène
Crache l’eau dans la lueur des réverbères et les reflets du macadam

Et toute cette histoire s’achève,
Loin des yeux, loin du cœur,
Près de l’éternel serment.
À Paris, place de la Concorde
Une femme la plus belle et la plus touchante passe
Seule, à pied, triste.

Et, loin d’elle, au-dessus de la mer
vole un oiseau
Et jamais la femme ne verra le vol de cet oiseau
jamais, de son ombre, le vol de cet oiseau ne rayera
Le chemin suivi par cette femme.
Jamais ? est-ce bien sûr ?
ô, rencontres —
ô, fontaines gémissantes au cœur des villes
ô, cœurs gémissants par le monde.

Vive la vie !

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Commentaires

  1. Découvreuse
    ----------------

    La sirène capture une improbable épave ;
    En figure de proue, elle monte à l'étrave
    Et se laisse conduire, au hasard des courants,
    Au hasard de la mer et des souffles errants.

    Elle avance longtemps sous la lune d'hermine ;
    De lumières d'antan les vagues s'illuminent.
    -- Sirène, parvenant à ta destination,
    Comment le sauras-tu ? Je pose la question.

    -- À ma destination ? Barde, je n'en ai pas ;
    Comme les vagabonds qui hasardent leurs pas,
    Je mène par ces lieux mon éternelle fuite,
    Ainsi que ce poème où les mots vont sans suite.

  2. Superbe oiseau
    -------

    Cet oiseau vénérable est de Dieu l’interprète,
    Le fils du charpentier lui dévoile son coeur ;
    Car de la Vierge Mère il décrit la langueur,
    Et mille autres sujets qu’en noble langue il traite.

    La sagesse qu’il montre, elle n’est point secrète,
    Elle orne les grands murs de subtiles couleurs ;
    Il chante le plaisir, il chante la douleur
    Et son premier amour que toujours il regrette.

    D’où cela lui vient-il, le dire je ne puis,
    C’est un oiseau savant plus que je ne le suis ;
    Et du dieu Chronos même il connaît le visage.

    Les grimoires d’antan portent son témoignage,
    Et comment Lucifer rencontra des ennuis ;
    Ce qu’il en dit lui-même est en plaisant langage.

  3. Antimécanoptère
    ----------

    L’antimécanoptère, une entité discrète,
    Quand il vole au printemps ça fait battre son coeur ;
    Mais quand l’automne arrive, il est plein de langueur,
    Aristote en son oeuvre aux anciens jours en traite.

    Ses amis sont lointains, sa demeure est secrète,
    Ses grandes ailes sont d’une sombre couleur ;
    Il semble n’éprouver ni plaisir, ni douleur,
    Lui qui son jeune temps nullement ne regrette.

    S’il visite un village, il se cache en un puits,
    Vérifiant qu’en ce lieu personne ne le suit ;
    D’ailleurs, même au grand jour, nul n’a vu son visage.

    La tradition de l’Inde en offre un témoignage,
    Qui nous présente même une fable sur lui ;
    Seulement, c’est écrit en un obscur langage.

  4. L’oiseau qui fait des sous-entendus
    ------------------

    Cet oiseau sait parler par allusions discrètes,
    Nul ne peut deviner ce qu’il a sur le coeur ;
    Il aime plaisanter, mais il n’est point moqueur,
    Puis il possède aussi des talents d’interprète.

    Il a souffert jadis pour des amours secrètes,
    Son plumage en perdit sa vivace couleur ;
    Mais il a surmonté cette sombre douleur,
    Il revoit des instants que toujours il regrette.

    On ne peut le piéger, tel le bouc, en un puits,
    Car pour en remonter, sur l’air il prend appui ;
    Il ne craint pas la mort, ni son obscur visage.

    Il fut en maints endroits voyageur sans bagages,
    Les luxes du confort, ils ne sont pas pour lui ;
    Il accomplit ainsi d’intéressants voyages.

  5. Oiseau messager
    ---------

    Je porte les aveux d’un amant à sa belle,
    Au début des beaux jours, je porte aussi des fleurs ;
    Je porte des blasons de diverses couleurs,
    Je porte le parfum des amours immortelles.

    Par moi, les prisonniers donnent de leurs nouvelles,
    Je vole en plein été sans craindre la chaleur ;
    Hélas, je dois aussi transmettre la douleur
    De celui dont le frère eut une mort cruelle.

    Endurante est mon âme et robuste mon corps,
    Je mange bien, mais sans me goinfrer comme un porc ;
    Je porte un grand respect aux dieux et aux déesses.

    Sans doute, il me faudrait me reposer un peu,
    Ou bien, construire un nid pour y couver des oeufs ;
    Je devrais, pour cela, choisir une maîtresse.

  6. Oiseau transcendant
    -------

    Aucun volatile
    N'est un oiseau de malheur
    Sauf l'aigle invisible.

  7. Oiseau sans paradis
    -------

    Au paradis ne vit nul oiseau, dit le prêtre,
    Tous vont en inframonde à l’heure de leur mort,
    Retrouvant en ce lieu le démon Belphégor
    Qui de tout volatile est le seigneur et maître.

    Le moine, qui m’a l’air d’un peu mieux s’y connaître,
    Prend alors la parole et dit son désaccord ;
    Puisque de nos oiseaux sont purs l’âme et le corps,
    Le bonheur éternel est fait pour eux, peut-être.

    L’oiseau dit « Pour les morts, il n’est point de survie,
    Un cadavre ne fait ni pitié ni envie ;
    Disparaître à la fin, c’est le sort de chacun.

    On tire le rideau quand le spectacle cesse,
    Vers le vestiaire alors les spectateurs se pressent ;
    La lumière s’éteint quand il n’en reste aucun. »

  8. Je vole à mon gré
    --------------

    Je traverse les cieux,
    Je fuis les tâches vaines ;
    C’est à l’engeance humaine
    Que les assigne Dieu.

    Je suis sans feu ni lieu,
    Je vis, je me promène ;
    Où sera mon domaine ?
    Nulle part, c’est tant mieux.

    Pour rire du corbeau
    Je lui dis qu’il est beau ;
    Cette farce est connue.

    Il me lance un gros mot,
    Puis des noms d’animaux ;
    Je ris, sans retenue.

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