Poème 'Mains' de Paul VERLAINE dans 'Parallèlement'

Mains

Paul VERLAINE
Recueil : "Parallèlement"

Ce ne sont pas des mains d’altesse,
De beau prélat quelque peu saint,
Pourtant une délicatesse
Y laisse son galbe succinct.

Ce ne sont pas des mains d’artiste,
De poète proprement dit,
Mais quelque chose comme triste
En fait comme un groupe en petit ;

Car les mains ont leur caractère,
C’est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l’auriculaire
Donnent les pôles de l’aimant.

Les météores de la tête
Comme les tempêtes du coeur,
Tout s’y répète et s’y reflète
Par un don logique et vainqueur.

Ce ne sont pas non plus les palmes
D’un rural ou d’un faubourien ;
Encor leurs grandes lignes calmes
Disent :  » Travail qui ne doit rien.  »

Elles sont maigres, longues, grises,
Phalange large, ongle carré.
Tels en ont aux vitraux d’églises
Les saints sous le rinceau doré,

Ou tels quelques vieux militaires
Déshabitués des combats
Se rappellent leurs longues guerres
Qu’ils narrent entre haut et bas.

Ce soir elles ont, ces mains sèches,
Sous leurs rares poils hérissés,
Des airs spécialement rêches,
Comme en proie à d’âpres pensers.

Le noir souci qui les agace,
Leur quasi-songe aigre les font
Faire une sinistre grimace
A leur façon, mains qu’elles sont.

J’ai peur à les voir sur la table
Préméditer là, sous mes yeux,
Quelque chose de redoutable,
D’inflexible et de furieux.

La main droite est bien à ma droite,
L’autre à ma gauche, je suis seul.
Les linges dans la chambre étroite
Prennent des aspects de linceul,

Dehors le vent hurle sans trêve,
Le soir descend insidieux…
Ah ! si ce sont des mains de rêve,
Tant mieux, – ou tant pis, – ou tant mieux !

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Commentaires

  1. Archevêque aux belles mains
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    Je trempe tous mes doigts dans une onde limpide,
    Et ça me fait du bien, l’été comme l’hiver ;
    Je dis une oraison qui traverse les airs,
    Quelques mots bien sentis qui les démons lapident.

    Les uns sont maladroits, les autres sont stupides,
    Je les vois s’agiter à tort et à travers ;
    Un rhapsode insolent leur consacre des vers,
    Je ne lui en dis rien, je les trouve insipides.

    Faire l’homme d’Église est un pesant labeur ;
    D’un succube parfois je deviens le tombeur,
    Ce qui me donne alors une soif dévorante.

    Une muse me berce, au soir, quand je suis las ;
    Elle m’a soutenu par de bons petits plats,
    Elle qui jadis fut une pauvre âme errante.

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