Poème 'Prologue' de François COPPÉE dans 'Le Cahier rouge'

Prologue

François COPPÉE
Recueil : "Le Cahier rouge"

Bonjour, lecteurs. On me propose
Et j’accepte, – oh ! les étourdis !
De vous parler tous les lundis
Et même pas toujours en prose.

La causerie est cependant
Chose insaisissable et légère
Ainsi que l’ombre passagère
D’un nuage sur un étang.

Causer en vers, c’est l’art suprême ;
Et, pour m’apprendre mon état,
Il faudrait qu’on ressuscitât
Le pauvre grand Musset lui-même.

Je crains fort de n’être pas bon
A vous inventer ces chimères
Radieuses, mais éphémères,
Comme les bulles de savon ;

A vous rimer des amusettes
Sur des sujets de presque rien,
Avec l’art du galérien,
Qui sculpte au couteau des noisettes.

– Mais, bah ! j’ai l’horreur du banal
Et le difficile me tente.
J’éprouve une envie irritante
D’écrire en vers dans un journal.

Et d’ailleurs mon rêve impossible,
Je l’ai souvent réalisé ;
Sans que mon regard ait visé,
J’ai quelquefois touché la cible,

J’irai chercher, je ne sais où,
Des conversations frivoles ;
Je vous dirai des choses folles,
Car je suis moi-même un peu fou.

Ayant le ciel bleu pour auberge,
Je vis comme un petit oiseau,
Et Mab m’a prêté son fuseau ;
A filer le fil de la Vierge.

Je fais de la dépense, et c’est
Royalement que je la paie,
Car le poëte a pour monnaie
Des étoiles dans son gousset.

L’aile et le parfum étant choses
Qu’il faut que nous réunissions,
J’ai découvert des papillons
Qui sentaient bon comme des roses,

Les plus. beaux décors d’opéra
Me semblent mesquins et timides, ;
Quand j’irai voir les Pyramides,
Je veux qu’il neige, il neigera.

Parfois la lune me fait signe ;
Mais aller là-haut, c’est trop long.
Si je jouais du violon
Je noterais le chant du cygne.

– Je vous dirai sur mon chemin
Ce qui m’intéresse ou me charme,
Et même d’où vient cette larme
Qui tombe parfois sur ma main

De cet entretien de poète
Vous ne serez jamais plus las
Que n’est un rameau de lilas
De la halte d’une fauvette ;

Et quand vous y lirez l’aveu
D’une bonne pensée intime,
Vous me donnerez votre estime
Et m’aimerez peut-être un peu.

– Mais, voici ma préface faite.
Au revoir, car j’ai mérité
De finir ma tasse de thé,
En fumant une cigarette.

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