Poème 'Les Grands Jours du poète' de Robert DESNOS dans 'C'est les bottes de 7 lieues cette phrase « Je me vois »'

Les Grands Jours du poète

Robert DESNOS
Recueil : "C'est les bottes de 7 lieues cette phrase « Je me vois »"

Les disciples de la lumière n’ont jamais inventé
que des ténèbres peu opaques.
La rivière roule un petit corps de femme
et cela signifie que la fin est proche.
La veuve en habits de noces se trompe de convoi.
Nous arriverons tous en retard à notre tombeau.
Un navire de chair s’enlise sur une petite plage.
Le timonier invite les passagers à se taire.
Les flots attendent impatiemment Plus Près de Toi ô mon Dieu !
Le timonier invite les flots à parler. Ils parlent.
La nuit cachette ses bouteilles avec des étoiles
et fait fortune dans l’exportation.
De grands comptoirs se construisent pour vendre des rossignols.
Mais ils ne peuvent satisfaire les désirs de la Reine de Sibérie
qui veut un rossignol blanc.
Un commodore anglais jure qu’on ne le prendra plus à cueillir la sauge
la nuit entre les pieds des statues de sel.
À ce propos une petite salière Cérébos se dresse avec difficulté
sur ses jambes fines. Elle verse dans mon assiette
ce qu’il me reste à vivre.
De quoi saler l’Océan Pacifique.
Vous mettrez sur ma tombe une bouée de sauvetage.
Parce qu’on ne sait jamais.

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Commentaires

  1. Vous qui nous proposez des chemins lumineux,
    Voyez : il ne s'agit que de blanches ténèbres,
    De quoi mettre en retard plus d'un convoi funèbre.
    Un navire est piégé par le canal marneux,

    N'ayant pu négocier un passage épineux
    Malgré tous les efforts d'un timonier célèbre.
    Puisqu'aucun rossignol n'est rayé comme un zèbre,
    La reine prend celui qui est fuligineux.

    La nuit met une étoile en guise de cachet
    Sur un litre de vin. Le sel qui se cachait
    Surgit d'une salière aux jambes magnifiques,

    Se répand dans l'assiette et chante un petit air
    Dont l'auteur est, dit-on, ce diable de Robert
    Qui compte l'enseigner aux flots du Pacifique.

  2. Nef sans destination
    --------------

    Je suis la nef sans but qui vainement serpente ;
    Que l’océan soit calme, ou qu’il soit agité,
    Que le ciel soit obscur ou rempli de clarté,
    Me conduit au hasard ma gouvernance absente.

    Je ne suis pas de ceux qui du trouble ressentent
    Ou qui d’un juste cap craignent de s’écarter,
    Je ne me souviens plus des lieux que j’ai quittés ;
    Un beau rayon de lune, et mon âme est contente.

    Au coeur des vastes flots, nul ne m’a secouru
    Et j’ai, seul et sans voix, ce chemin parcouru
    Qui après l’horizon, sans doute, se termine.

    Je ne suis qu’un vaisseau, je supporte l’ennui
    En traçant calmement la route d’aujourd’hui :
    Je ne suis qu’un errant qui lentement chemine.

  3. Nef des Varègues
    ------------------

    Au bord de la Mer Noire ils sèment l’épouvante,
    On les entend rugir, on les entend chanter ;
    Femme du charpentier, Madone de clarté,
    Retiens de leurs soudards la troupe menaçante.

    Les démons à leur vue un vif plaisir ressentent,
    Qui du chemin de Dieu se sont trop écartés ;
    Soit pour les accueillir, soit pour les escorter,
    Ils grouillent auprès d’eux, leur âme en est contente.

    Par les pouvoirs divins, serons-nous secourus?
    Ces navigateurs fiers, qui les mers ont couru,
    Voudront-ils épargner l’église et la chaumine?

    Par-dessus l’océan, plusieurs éclairs ont lui,
    Les Varègues inquiets, fort prudemment, ont fui:
    Nous contemplons au loin leurs vaisseaux qui cheminent.

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