Poème 'Table de sagesse' de Victor SEGALEN dans 'Stèles (du bord du chemin)'

Table de sagesse

Victor SEGALEN
Recueil : "Stèles (du bord du chemin)"

Pierre cachée dans les broussailles, mangée de limon, profanée de fientes, assaillie par les vers et les mouches, inconnue de ceux qui vont vite, méprisée de qui s’arrête là,

Pierre élevée à l’honneur de ce Modèle des Sages, que le Prince fit chercher partout sur la foi d’un rêve, mais qu’on ne découvrit nulle part

Sauf en ce lieu, séjour des malfaisants : (fils oublieux, sujets rebelles, insulteurs à toute vertu)

Parmi lesquels il habitait modestement afin de mieux cacher la sienne.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Une pierre qui parle enseigne un monde, en vers ;
    Explique-t-elle aussi nos coeurs inconsolables,
    Nos minutes formant chacune un grain de sable
    Dont plusieurs contenaient, peut-être, un univers...

    La pierre ni les mots n’ont de penchant pervers.
    Le scribe qui orna de ces signes la table
    Suivait, à tous égards, des codes respectables
    (Sauf à ce qu’il traça, peut-être, à son revers).

    Or, ce scribe n’a pas un immense mérite
    Pour avoir simplement observé les bons rites ;
    D’une antique sagesse il était le vecteur.

    Puissions-nous imiter ce propos salutaire,
    Même si ce forum n’est pas un sanctuaire :
    Et si nous y manquons, indignez-vous, lecteurs.

  2. Sagesse d’un bipède
    -----------

    Il lit modérément de la prose et des vers,
    Il nage dans le rêve et dans l’inconnaissable;
    Il peut voir l’univers au creux d’un grain de sable,
    Il aime son jardin même au coeur de l’hiver.

    Ce bipède n’est pas un animal pervers,
    Il apprécie d’avoir un verre sur sa table ;
    Il exerça, jadis, des métiers respectables,
    Il fut aventureux sans craindre les revers.

    Son employeur, souvent, douta de son mérite,
    Mais en lui pardonnant, toujours, selon les rites;
    De nobles mandarins furent ses protecteurs.

    Or, le voici qui goûte un repos salutaire,
    Ayant trouvé refuge au fond d’un sanctuaire,
    Ce scribe sans orgueil, ce paisible lecteur.

  3. Sagesse du palmier
    ------------

    Je suis vieux, mais je reste vert,
    Car je suis un être inlassable ;
    J’aime la lumière et le sable,
    J’habite au pays sans hiver.

    Ici n’est nul serpent pervers,
    Rien que des lézards respectables ;
    Les vents ne sont pas redoutables,
    Ni les castors, ni les piverts.

    Moi qui n’ai guère de mérite,
    Je vis ma vie en sybarite ;
    Les humains sont mes protecteurs.

    Pour eux sont mes fruits salutaires,
    Dont je les ai faits légataires ;
    Mangez, aimables prédateurs.

  4. * * *
    -----

    Attentif palmier,
    Tu n'oublies jamais les dattes,
    Ce sont tes enfants.

  5. Créquier de juin
    ------------------

    Dryade, j’aime tes yeux verts,
    J’aime ton sourire ineffable ;
    C’est du lointain pays des fables
    Que tu viens, d’un bel univers.

    J’aime le faune, un peu pervers
    Mais parfaitement respectable ;
    J’aime aussi le loup redoutable
    Et le mélomane pivert.

    Je parle avec le vieil ermite,
    Lequel jadis fut sybarite ;
    En sagesse il est mon tuteur.

    L’écosystème a ses mystères,
    Le Ciel échange avec la Terre
    Quelques clins d’oeil révélateurs.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS