Poème 'Hymne au Dragon couché' de Victor SEGALEN dans 'Stèles (occidentées)'

Hymne au Dragon couché

Victor SEGALEN
Recueil : "Stèles (occidentées)"

Le Dragon couché : le ciel vide, la terre lourde, les nuées troubles ; soleil et lune étouffant leur lumière : le peuple porte le sceau d’un hiver qu’on n’explique pas.

Le Dragon bouge : le brouillard aussitôt crève et le jour croît. Une rosée nourrissante remplit la faim. On s’extasie comme à l’orée d’un printemps inespérable.

Le Dragon s’ébroue et prend son vol : à Lui l’horizon rouge, sa bannière, le vent en avant-garde et la pluie drue pour escorte. Riez d’espoir sous la crépitation de son fouet lancinant : l’éclair.

o

Hé ! Las ! hé, Dragon couché ! Enspiralé ! Héros paresseux qui sommeille en l’un de nous, inconnu, engourdi, irrévélé,

Voici des figues, voici du vin tiède, voici du sang : mange et bois et flaire : nos manches agitées t’appellent à grands coups d’ailes.

Lève-toi, révèle-toi, c’est le temps. D’un seul bond saute hors de nous ; et pour affirmer ton éclat,

Cingle-nous du serpent de ta queue, fais-nous malades au clin de tes petits yeux, mais brille hors de nous, — oh ! brille !

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Sur le mur du jardin se repose un lézard,
    Cousin des fiers dragons qui défendent l'Empire.
    Je lui offre une figue, il la mord sans rien dire,
    Il n'en mange, au total, qu'une petite part.

    Je l'observe pour voir s'il voudra, par hasard,
    Inspirer un poème à ma modeste lyre ;
    Mais il garde une allure assez pince-sans-rire,
    Sans même une lueur dans son humble regard.

    Va-t-il, d'une détente, affirmer son éclat ?
    Restera-t-il posé sur le mur, bien à plat ?
    Dira-t-il un bon mot, ainsi qu'un joyeux drille ?

    Malheur ! On ne le voit, maintenant, plus du tout :
    Le traître, par surprise, est rentré dans son trou,
    Le voici soudain qui par son absence brille !

  2. Dragon du calice
    ----------------

    C’est un noble dragon, ce n’est pas un lézard,
    Il reçoit de la viande et du vin de l’Empire ;
    Assis dans un calice, il reste sans rien dire,
    Ayant, de la boisson, goûté plus que sa part.

    Le seul dieu qu’il invoque est celui du Hasard,
    Jamais celui du Temps ni celui de la Lyre ;
    Il lit des vers tracés par le démon du Rire
    Mais ne porte sur eux qu’un fugitif regard.

    Je le vois dans ce temple affirmer son éclat,
    Surtout quand le cuistot lui apporte un bon plat ;
    C’est un noble dragon, mais c’est un joyeux drille.

    Au temple, certains jours, il ne vient pas du tout,
    Préférant méditer tout au fond de son trou ;
    Mais il reste au jardin lorsque la lune brille.

  3. Dragon aptère
    -------

    C’est l’âme d’un dragon dans le corps d’un lézard,
    Magicien sans magie, empereur sans empire ;
    Il subit son destin sans jamais le maudire,
    Et d’ailleurs, il se fout du tiers comme du quart.

    Il fut instruit, jadis, par le roi Balthazar
    Qui même lui apprit à sonner de la Lyre ;
    Car, sachez-le, ce roi n’est pas un triste sire,
    Son goût pour les plaisirs se lit dans son regard.

    -- Que nous racontes-tu, beau lézard sans éclat ?
    Ta vie fut-elle bonne, à ce qu’il te sembla ?
    (Mais il ne répond rien, son esprit part en vrille).

    Ce très sage animal ne pense pas beaucoup,
    Mais il peut cependant nourrir des rêves fous,
    Dans lesquels le réel par son absence brille.

  4. Grande salamandre
    ----------

    Plus sobre qu’un dragon, plus forte qu’un lézard,
    Elle servit de maître aux sages de l’Empire ;
    Son âme a la teneur du feu qu’elle respire,
    Elle détient la clé des lois et du hasard.

    La Dame Salamandre est aimée d’un renard
    Dont pour elle souvent j’entends sonner la lyre ;
    Il lui écrit des mots qu’elle a plaisir à lire,
    Il lui fait découvrir la Forêt de Sénart.

    Quand Noé sur sa nef les bêtes rassembla,
    Elle fut la dernière, et le vaisseau trembla,
    On entendit alors le rire du gorille.

    -- Salamandre, ce monde est-il bien à ton goût ?
    -- Oui, dans ce ramassis de sages et de fous,
    On peut trouver aussi beaucoup de joyeux drilles.

  5. Salamandre en inframonde
    ----------

    Adam me disait des mots tendres,
    Avec lui je pouvais m’entendre ;
    Mais avec ceux de l’inframonde…
    Ah, sur ce point, pourquoi s’étendre ?

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS