Poème 'Empreinte' de Victor SEGALEN dans 'Stèles (face au Nord)'

Empreinte

Victor SEGALEN
Recueil : "Stèles (face au Nord)"

Choun, Empereur, donnant investiture aux cinq classes de princes, leur confiait des tablettes de jade,

De contours stricts et d’ornements divers : deux colonnes, — un homme au corps droit, — un homme courbé, — des épis, — des joncs.

Mais il en gardait les empreintes. Parfois juxtaposant l’une à l’autre et pressant de sa main, il vérifiait l’authentique investiture.

o

Celui que j’ai fait Noble de mon amitié, Prince du sang de mon cœur fraternel et Censeur à mon secret empire,

Celui-là, n’a-t-il pas reçu le jade : — deux hommes penchés — pour emblème ? Il revient. J’ai gardé l’empreinte. Affrontons la double fidélité.

o

Hélas ! oh hélas ! Les contours ne s’enferment plus ; les coins se heurtent et les creux tintent le vide : est-ce là le dépositaire choisi ? A-t-il perdu la forme de mon âme ?

Plutôt, est-ce mon âme dont la forme a gauchi ?

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Commentaires

  1. Figures
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    Le Maître, Yake Lakang, acceptant pour disciples dans la Voie le Valet Jaune, le Valet Mauve, Le Valet Orange, Le Valet Rose et le Valet Rouge, leur confia à chacun une carte à jouer portant son effigie,

    Et aussi une scène en arrière-plan : licorne préparant un camembert, ornithorynque dansant la valse, catoblépas au clair de lune, sirène consultant la sorcière des mers, grillon dans sa cage.

    Chacune de ces cartes avait sa fidèle copie dans un tiroir du Maître.

    *

    Mais le monde du Tiroir et le monde des Valets ne relèvent point de la même cosmologie. Dans le tiroir, le camembert est accepté par un roi barbare, et dans la poche du Valet, il est confisqué par la reine.

    Ornithorynque et grillon, sirène et catoblépas suivent également des chemins divergents.

    *

    Le Maître, cependant, rehausse de couleurs les figures du tiroir, tandis que les Valets procèdent à toutes sortes d’échanges. Ni le Maître, ni les Valets n’ont l’impression de tricher aux cartes, c’est tout simplement l’Univers qui s’applique à lui-même des équations bien étranges.

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