Poème 'Vampire' de Victor SEGALEN dans 'Stèles (face au Nord)'

Vampire

Victor SEGALEN
Recueil : "Stèles (face au Nord)"

Ami, ami, j’ai couché ton corps dans un cercueil au beau vernis rouge qui m’a coûté beaucoup d’argent ;

J’ai conduit ton âme, par son nom familier, sur la tablette que voici que j’entoure de mes soins ;

Mais plus ne dois m’occuper de ta personne : « Traiter ce qui vit comme mort, quelle faute d’humanité !

Traiter ce qui est mort comme vivant, quelle absence de discrétion ! Quel risque de former un être équivoque ! »

o

Ami, ami, malgré les principes, je ne puis te délaisser. Je formerai donc un être équivoque : ni génie, ni mort ni vivant. Entends moi :

S’il te plaît de sucer encore la vie au goût sucré, aux âcres épices ;

S’il te plaît de battre des paupières, d’aspirer dans ta poitrine et de frissonner sous ta peau, entends moi :

Deviens mon Vampire, ami, et chaque nuit, sans trouble et sans hâte, gonfle toi de la chaude boisson de mon cœur.

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Commentaires

  1. Crocolionne
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    Dans les tréfonds d’un caveau noir,
    J’entends chanter la crocolionne ;
    Du cimetière, vers le soir,
    Cette habitante m’impressionne.

    Que chante-t-elle : une prière ?
    Une villanelle d’antan ?
    Sa voix murmure sous la pierre,
    Presque personne ne l’entend.

    Jamais sa force ne s’augmente,
    Faute de trouver à manger ;
    Son âme est à peine vivante,
    Son existence est en danger.

    Elle survit dans la poussière,
    On ne lui donne plus les morts ;
    Des crocolionnes la dernière
    Sans fin nous dit son triste sort.

    La crocolionne qui soupire
    Dans les confins des lieux sacrés
    Aimerait mieux être un vampire
    Nourri de vie au goût sucré !

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