Poème 'Au Démon secret' de Victor SEGALEN dans 'Stèles (du Milieu)'

Au Démon secret

Victor SEGALEN
Recueil : "Stèles (du Milieu)"

Le peuple, sans perplexité, vénère. Il encense, invoque ou répudie. Il donne trois, ou six ou neuf prosternements. Il mesure son respect à la compétence, aux attributs, aux grâces qu’il escompte juste.

Car il sait précisément les goûts du génie de l’âtre ; les dix-huit noms du singe qui donne la pluie ; la cuisson de l’or comestible et du bonheur.

o

De quelles cérémonies l’honorer ce démon que je loge en moi, qui m’entoure et me pénètre ? De quelles cérémonies bienfaisantes ou maléfiques ?

Vais-je agiter mes manches en respect ou brûler des odeurs infectes pour qu’il fuie ?

De quels mots d’injures ou glorieux le traiter dans ma vénération quotidienne : est-il le Conseiller, le Devin, le Persécuteur, le Mauvais ?

Ou bien Père et grand Ami fidèle ?

o

J’ai tenté tout cela et il demeure, le même en sa diversité,

Puisqu’il le faut, ô Sans-figure, ne t’en va point de moi que tu habites :

Puisque je n’ai pu te chasser ni te haïr, reçois mes honneurs secrets.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Démon farceur
    ----------------------

    Un démon gris surgit du noir enfer central
    Dans le seul but de faire aux jardiniers des blagues.
    Il noie le potager sous une immense vague,

    Puis il dort au verger, improbable animal
    Plus paresseux qu'un chat, incapable de mordre
    Mais pouvant nous donner bien du fil à retordre.

    Un seul homme parvient à nous l'exorciser :
    Un vieux reclus qui a le look de Pierre Dac
    Et qui verse au démon un litre de cognac.

    Ne pourrait-on, d'ailleurs, un jour te baptiser,
    Démon sans nom qui viens polluer nos cultures ?
    « Non, répond-il : j'ai point le goût de l'aventure » .

  2. Pyramide des jardiniers
    ----------------------------------

    Pyramide occupant le terre-plein central,
    Le reste du jardin évoque un terrain vague.
    Près d'un vieux marronnier que jamais l'on n'élague,
    Elle offre à nos regards ses reflets de métal.

    Les moines jardiniers y montent en bon ordre,
    Avec de beaux rameaux fraîchement baptisés
    Qui servent pour bénir, et pour exorciser,
    Tendre feuillage auquel un démon ne peut mordre.

    Les plants les plus nouveaux grandissent dans un bac,
    Chéris des cénobites et de Dame Nature ;
    Faire naître un jardin, c'est toute une aventure,
    Ça mérite, le soir, un verre d'armagnac.

  3. Dans une pyramide
    -----------------

    Obscur est le couloir central,
    Sauf quelques lueurs hésitantes ;
    Quelques chauves-souris mutantes
    Peuplent cet endroit sépulcral.

    Tâchons de garder le moral,
    Car c’est une chose importante ;
    Celui que la désertion tente
    Dessert l’intérêt général.

    Ceux qui croiseront un démon
    Lui adresseront un sermon ;
    Cela, pour qu’il se convertisse.

    Ceux qui rencontreront la Mort
    Devront s’endormir, sans remords,
    Ce n’est que Divine Justice.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS